Monnaie papier, cigales et fourmis (Securibourse)

par Graham ⌂ @, samedi 21 novembre 2009, 21:13 (il y a 5482 jours) @ Graham

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Charles Gave, dans le journal des finances de cette semaine, développe des idées assez ressemblantes aux miennes quant aux risques qu'il existe sur la monnaie. Pour ceux qui ne disposent pas de ce journal et qui sont intéressés par la question, je recopie son billet.

Par extrapolation intuitive, on peut à partir de son article:
-saisir en partie une des raisons de la hausse récente des marchés et pourquoi cela pourra continuer (songer aux fonds souverains et à la masse d'épargne en attente de placement)
-se représenter le risque qu'il existe sur les emprunts d'états et par extension sur les fonds "euro" des contrats d'assurance-vie.

Je reste sur mon opinion de base: hors jeu de spéculation, il faut être investi sur l'actif "actions" et plus particulièrement sur les grandes valeurs internationales (type Wallmart, Procter, Jonhson & Jonhson, Nestlé, R & B, etc.)

Monnaie papier, cigales et fourmis

Le coût marginal de la monnaie papier est de zéro, comme chacun le sait, et donc la valeur que le public attache à la monnaie est d’origine purement psychologique. Pour rassurer des populations que cette absence d’ancrage dans une réalité tangible aurait pu inquiéter, les autorités ont organisé les principes qui régissent la création de monnaie depuis 1979 (Volcker) autour de trois grandes idées :

1. la Banque centrale, émettrice de papier-monnaie, doit être indépendante des pouvoirs politiques ;


2. les déficits budgétaires des Etats doivent rester raisonnables et en aucun cas ne doivent être « monétisés » par les banques centrales (d’où la nécessité de l’indépendance) ;


3. le crédit distribué par les banques privées (création de monnaie) doit l’être en fonction de critères de marché, et non pas en fonction de critères de copinage ou encore pire de critères politiques.

La crise financière que nous sommes en train de traverser est, comme je l’ai déjà dit, une crise de la monnaie. Pourquoi >

Tout simplement parce que les trois piliers qui donnaient confiance aux épargnants viennent tous les trois de disparaître, d’un seul coup. Les banques centrales ont en grande partie perdu leur indépendance et sont obligées (point numéro 2) d’absorber des quantités toujours grandissantes d’obligations d’Etat, résultat de déficits budgétaires devenus insensés. Pour faire bonne mesure, les systèmes de crédit ont été quasiment nationalisés en Grande-Bretagne, en Irlande, ou sont maintenant sous surveillance politique étroite, ce qui garantit que les distributions de crédit ultérieures se feront en fonction de critères de copinage politique, ce qui est inquiétant.

La monnaie « bien public » est donc en voie d’être nationalisée, ce qui est bien entendu passablement alarmant.

Cette crise du crédit et de la monnaie que nous traversons a lieu parce que les banques, sous la pression des Etats, ont cru bon de prêter à de fort charmantes cigales qui n’ont ni l’intention ni d’ailleurs la capacité de rembourser quoi que soit. Les Etats se tournent donc vers les fourmis et leur disent deux choses : que c’est elles qui vont payer pour les cigales et que, comme la dette des cigales est dans la monnaie papier, pour que les cigales puissent payer les intérêts sur leur dette, il serait de bon ton que les taux d’intérêt soient à zéro. La pauvre fourmi va donc être grugée deux fois. D’abord, ses impôts vont monter (aucune importance, il y a plus de cigales que de fourmis, ce qui assure la réélection des pouvoirs en place), et son épargne, en plus, ne lui rapportera plus rien.


La fourmi n’est pas prêteuse, c’est là son moindre défaut, disait ce bon monsieur de La Fontaine, et on peut donc craindre une révolte des fourmis.

Quelle forme peut prendre cette révolte >

La première, puisqu’on lui interdit ses chers paradis fiscaux et qu’on augmente les impôts sur son épargne, est bien sûr de transférer tout son cash en or ou en actifs réels. Notre fourmi, mauvaise citoyenne, mais prudente, décide de fermer son compte en Suisse après avoir tout liquidé, de prendre le cash, d’acheter de l’or et de le mettre dans le coffre de sa voiture pour aller l’enterrer sous un pommier en Normandie.

Ensuite, elle peut acheter des matières premières ou des fonds de matières premières, de l’immobilier à Londres (qui monte, à la stupéfaction générale) ou à Hongkong…


Bref, nous sommes peut-être en train de voir le début d’une révolte silencieuse des fourmis, et une fuite devant la monnaie a peut-être commencé. Tant que le résultat est de faire monter des actifs du style or, immobilier, voire marchés des actions, cette révolte n’inquiète en rien les politiques. En revanche, si nos fourmis décidaient de se mettre à vendre les obligations d’Etat, qui ne sont après tout que des promesses de payer du cash, alors là, les choses deviendraient très graves, très vite.

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