Assez drôle (Securibourse)

par chris, mercredi 09 décembre 2009, 21:20 (il y a 5464 jours)

Pris en face. C'est assez bien vu. Pardon d'avance pour ceux qui avaient ce titre en portefeuille ;-)

Cela doit nous rappeler la plus grande prudence à l'égard des sociétés opaques et aux ambitions démesurées. :-|


In Vino Veritas : Monsieur D., bonjour. Et merci d’avoir accepté cette interview pour notre magazine “Pile je gagne, Face tu perds”. L’anonymat, pourquoi >


IVV : Monsieur D., votre dernier coup de génie en bourse, expliquez-nous !

M. D. : Comme vous le savez, pour réussir en bourse, pas besoin d’être un expert de la finance : les prévisions, l’économie, les fondamentaux, l’analyse des comptes, la bonne gouvernance d’une entreprise, pfou, très peu pour moi. Ce qui compte, c’est la capacité à enfumer le petit porteur. Afin de l’inciter à acheter, ou à vendre, selon qu’on est soi-même acheteur ou vendeur. Le petit porteur a une qualité essentielle pour un enfumage réussi : il est en général assez naïf, et se transporte de joie dès que vous lui faites miroiter des objectifs bien juteux. Genre : l’année prochaine, je vais multiplier mon CA par 10, grâce à mes nouveaux contrats en Chine. C’est idiot bien sûr, mais peu importe, car il y croit dur comme fer à partir du moment où vous lui annoncez des CA et des RN multipliés par plus de 5, ou plus.


IVV : Oui mais, plus précisément Monsieur D, comment vous y êtes vous pris >

M. D. : En premier lieu, il faut investir. C’est à dire, acheter des titres d’une société, pas connue du tout. De préférence, une société amie, dont le dirigeant est un bon copain, désireux comme moi de faire fructifier rapidement son capital. Beaucoup de titres, mais pas cher du tout. C’est l’investissement de départ, qui va se multiplier par 10, 20 ou 100 quelques temps plus tard. Comme exemple, mettons que j’achète 700.000 titres de la société “G”, à 0,10 euros. Cette mise initiale reste assez modeste, et va se multiplier très facilement.


IVV : C’est assez facile en effet, mais que doit-on faire après >

M. D. : On laisse passer un peu de temps, puis on fait en sorte que la société “G” soit introduite en bourse. On obtient donc facilement notre première culbute, nos titres étant passés d’une valeur nominale de 0,10 euros à environ 8 euros. Fingers in the nose ! Un petit problème cependant, ce n’est là qu’une plus value latente, car il m’est bien entendu impossible de revendre facilement mon stock de titres. Mais j’ai tout mon temps...


IVV : Le temps Monsieur D., c’est donc l’élément essentiel du succès >

MD : Vous apprenez vite, mon cher InVino. Seconde phase de la manœuvre, je constitue autour de moi une petite cour d’investisseurs qualifiés. De préférence, pas les plus malins, ni les plus honnêtes. Ceux qui sont le plus attirés par les gains rapides sont les choix idéaux. Autre critère de choix : un certain niveau d’études, et d’aptitudes à l’expression orale et écrite. Indispensable, car ce sont eux qui vont aller relayer ensuite ma bonne parole sur les forums internet, afin d’appater le petit porteur naïf. Ma plus belle prise est une jeune femme, ayant sur les forums un pseudonyme de shampooing ! Sans elle, je pense que je n’aurais pas réussi mon dernier coup. Une autre prise de qualité est un investisseur (qui se dit qualifié, mais j’en doute), possèdant un pseudonyme commençant par P et finiassant par R. Lui, c’est pour son côté perroquet que je l’ai choisi. Je lui ai appris une seule phrase : « golog est une pépite et elle se développe en Chine », et il me l’a déjà répétée au moins 10.000 fois sur les forums internet ! En dernier lieu, j’ai recruté un bon technicien, dont le pseudonyme est un peu compliqué à retenir, comprenant un K et beaucoup de Y. J’en suis assez fier, il a un réel don pour établir des ATs impressionnantes sur les forums boursiers. Il a notamment rédigé une AT prévoyant un cours de 29 euros pour la société « G », qui restera dans les annales : en 5 points, incluant l’imparable principe du balancier. Ca impressionne dur le petit porteur, qui ne sait pas bien sûr que l’analyse technique, sur les valeurs du marché libre, assez peu liquides, cela n’a bien entendu aucun sens ! Déjà même que sur les grandes valeurs, ça ne marche pas plus qu’une fois sur deux !


IVV : Continuez Monsieur D., c’est passionnant !

M. D. : Je distille donc mes informations auprès de mon premier cercle de relayeurs : c’est assez basique, il me suffit de leur glisser que dans quelques mois, je vais créer une nouvelle filiale en Asie, et que mon CA va “exploser”. Leur imagination fait le reste, et leur fierté de penser qu’ils partagent des secrets d’un top-manager les transporte de joie : ils filent alors illico sur les forums internets et sur leurs blogs, pour diffuser ma bonne parole. Et ils y mettent du coeur, je vous prie de me croire ! Ah, je repense encore à ma petite shampouineuse, elle en voulait du feu de dieu, une bonne gagneuse ! Elle a même créé son propre blog, pour bien mettre en valeur la pépite ! Je l’ai recommandée à des amis, qui dirigent également d’autres entreprises-pépites comme la mienne. Je vais vous donner un des grands secrets du management, mon bon Invino : les bonnes ressources, il est important de les utiliser au mieux de leur capacités !


IVV : Un grand merci, Monsieur D. Et ensuite, que faire >

M. D. : Et bien, ça commence à rouler tout seul : l’information de premier choix se diffusant à toute allure sur la toile, elle finit par arriver aux oreilles du petit porteur. Qui, même s’il n’y comprend pas grand chose, finit tout de même par se dire que ; “tout ça, ça fleure bon la pépite, et qu’il y a des grosses PVs à la clé”. Et c’est là que la mécanique s’emballe, pour mon plus grand profit.
(Monsieur D. part alors dans un grand rire sarcastique...)
Le petit porteur commence donc par investir dans la pépite, ce qui crée inévitablement un effet boule de neige, et un courant acheteur puissant. Donc, le cours monte. Je peux alors commencer à revendre des titres tranquillement, m’assurant au passage une plus value tout à fait satisfaisante : achetés à 0,10 euros et revendus à 13 euros en moyenne, ya bon la pépite ! Bref, tout le monde est content : moi avec mes mégas pépettes, et le petit porteur naïf, avec ses petites PVs.


IVV : Mais Monsieur D : les arbres ne montent pas au ciel >!

M. D. Vous avez tout compris mon cher Invino, mais s’il vous plait, ne publiez pas ce paragraphe dans votre article : cela reste “off”, entre nous... A ce moment, je re-motive les courtisans de mon premier cercle, me faisant également aider par la direction de la société “G” : et que je te leur refile du bussiness plan de la mort qui tue, et des prévisions irréalistes, mais tellement séduisantes. Si nécessaire, je les invite même au restaurant à Paris : pour eux, c’est alors l’atteinte du Nirvana : le but ultime est atteint, être dans la petite main de dirigeants qui sont les futurs “google” de la planète ! On est alors repartis pour un tour, et le buzz redémarre. Re-hausse du cours, et re-pépettes pour moi. Ya bon la pépite !


IVV : A quel moment sortir Monsieur D, car je vous le redis, les arbres ne montent pas au ciel >

M.D : La fin de la récréation est en général sifflée par les petits porteurs eux-mêmes. On en trouve toujours quelques uns qui manifestent un peu plus de bon sens que les autres, et qui finissent par s’apercevoir qu’on les a enfumés à mort depuis le début. Cependant, à ce moment là, rien n’est perdu : il suffit, et c’est assez facile, de mettre en oeuvre la contre-offensive classique en ce genre de circonstance. Je fais alors courir des rumeurs toutes plus grotesques les unes que les autres, mais à laquelle la majorité des petits porteurs a très envie de croire. Parce qu’ils commencent déjà à avoir investi beaucoup sur la pépite.


IVV : Quelques exemples, monsieur D >

M.D : Par exemple, je demande à mes bons petits courtisans d’organiser la riposte en faisant croire que ces gens (qui dénigrent), le font uniquement dans un but vénal : c’est pour faire baisser le cours, et racheter plus bas. C’est idiot, mais ça marche à tous les coups, les petits porteurs n’ayant pas les moyens intellectuels de comprendre que pour eux aussi, ça serait bien dans ce cas de racheter plus bas !
Si ça ne suffit pas, je sors l’arme de la moquerie : ceux qui dénigrent sont alcooliques, et/ou au RMI : ce sont simplement des jaloux. Je possède quelques bons petits soldats pour faire courir ce genre de rumeurs. Le petit porteur aime ce genre d’argumentations : on aime toujours se moquer de plus faible que soi.
Et s’il faut encore intervenir, je brandis alors la menace judiciaire : le papier bleu, ça impressionne toujours. Peu importe que je n’aille pas loin en justice : ce qui compte, c’est de bien enfumer le petit porteur. A la limite, ceux qui dénigrent (à juste titre, je dois bien le reconnaître), je m’en moque, car je ne pourrai pas leur extorquer leur argent. Ce que je dois protéger, c’est mon petit porteur. Car c’est bien lui, ma source de revenus.


IVV : Et si cela ne fait par taire vos pires ennemis, ces satanés “dénigreurs” >

M. D : C’est tout simple : j’utilise alors la censure. C’est très pratique sur l’un des forums boursiers les plus fréquentés en France, il suffit que je dise à mes petits valets de cliquer sur le bouton “report d’abus”, dés qu’ils repèrent un message critique. Ils sont bien mes petits gars : ils se sont même, sur leur blog, organisés en “tour de garde” afin d’assurer une surveillance continue du matin au soir ! J’ai parfois quelques interrogations quant à leur motivations, car, vous vous en doutez mon cher Invino, le cours finit un jour ou l’autre par entamer sa spirale descendante. Comme vous le l’avez fait remarquer, les arbres ne montent pas au ciel. De toutes façons, l’enfumage, cela ne dure qu’un temps. Même le plus niais des petits porteurs finit un jour par accepter la dure réalité, celle de s’être fait avoir.


IVV : Cette descente Monsieur D., comment la gérer en maximisant son profit >

M.D. : Par un moyen des plus classiques bien sûr : gagner du temps. Je continue de distiller des informations, toujours de façon officieuse : oui, les comptes vont être publiés, bientôt. Tout est dans le “bientôt”. Et c’est très profitable, car le petit porteur est engagé jusqu’au cou dans son investissement : du temps de la hausse, il en a profité pour casser son PEA pour tout mettre sur la pépite. Souvent, sans prévenir madame, qui est toujours persuadée que les économies du ménages sont placées sans risque aucun. Il est donc coincé, acculé, et participe à la fuite en avant en moyennant à la baisse. Un grand classique chez le petit porteur ! Ce qui me permet encore et encore de revendre, avec maxi pépettes à la clé. De plus, le petit porteur se révèle être un excellent auxiliaire sur les forums internet : comme il est dedans jusqu’au cou, il n’a plus le choix. Il se doit donc d’essayer de réhabiliter le titre, en hurlant à longueur de journée sur les forums que “G” est une pépite, et qu’elle a un formidable potentiel. Cela sert à amortir la chute, car notre petit porteur peut alors convaincre un nouveau petit porteur, encore plus naïf que lui, d’acheter. Via ce système, je suis assez fier d’avoir inventé une sorte de machine à mouvement perpétuel !
(mine assez satisfaite de monsieur D.)


IVV : Monsieur D. il doit bien y avoir un moment où la vérité éclatera >

M. D. : Certes, certes, mais quelle importance > Les grosses plus values, elles seront alors sur mon compte en banque. Et nig.auds comme ils sont, les petits porteurs ne comprendront jamais ce qui s’est vraiment passé. Afin d’arrondir mon magot, j’irai alors recommencer tout cela, avec une autre société. Voyez vous, mon cher InVino, ces petits porteurs, je leur rend service : ils peuvent grace à moi apprendre les mécanismes de base de la bourse, système dans lequel le principe de base est de prendre l’argent d’autrui.


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