Dominique Loiseau : «Nous sommes prêts pour un nouvel élan»
Propos recueillis par Léna Lutaud et Philippe Reclus
[13 juillet 2005]
LE FIGARO ÉCONOMIE. Le choix d'installer un nouveau mode de management à la tête du groupe n'a-t-il pas conduit à déstabiliser les équipes >
Dominique LOISEAU. Quand un homme de la qualité de Bernard Loiseau disparaît, des employés peuvent être déstabilisés. Il décidait seul, entouré de collaborateurs. En ce qui me concerne, j'ai un mode de direction collégial. Je délègue beaucoup car je m'investis énormément dans la représentation, en Bourgogne, à Paris et ailleurs. A midi et le soir, je suis à Saulieu près des clients. Je me rends aussi à de nombreuses manifestations professionnelles à l'étranger. Dans ce contexte, je ne peux pas être opérationnelle. Je suis donc secondée par une gestionnaire, Isabelle Proust, directeur général, dont la mission est de réorganiser avec patience et fermeté le groupe, pour le pérenniser. La plupart se sont très bien adaptés à cette nouvelle manière de travailler. D'autres sont partis d'eux-mêmes.
Estimez vous avoir achevé cette réorganisation >
L'année 2004 a été un exercice de consolidation. Le bilan financier du groupe a été assaini poste par poste.
Nous l'avons fait en réduisant les charges. Nous disposons d'une trésorerie de 3 millions d'euros et nous n'avons aucun endettement. Notre chiffre d'affaires est resté constant en dépit de la fermeture annuelle de Saulieu en janvier et la fermeture hebdomadaire à l'automne. A périmètre constant nous progressons. En 2005, nous poursuivons cette rationalisation. Nous avons cédé notre restaurant Tante Jeanne à Paris au début juillet. Il fallait se séparer de ce foyer de perte.
Comment s'annonce 2005 >
Nos deux restaurants parisiens marchent formidablement bien. Mais les métiers de l'hôtellerie-restauration souffrent. Notre domaine dépend du moral des clients potentiels. Les dépenses de loisirs sont les premières à être supprimées en cas de crise, en France comme à l'étranger. Une catastrophe comme les attentats à Londres aura sans doute des répercussions.
Quand prévoyez-vous un retour à l'équilibre >
En 2007. En sachant aussi que les résultats de 2006 seront moins spectaculaires qu'en 2005 puisque le gros du travail de réduction des charges vient d'être accompli.
Comment comptez-vous développer le groupe >
Nous sommes prêts pour un nouvel élan. A Paris, nous voulons acheter un autre restaurant d'ici à six mois. Nous réfléchissons à un nouveau concept de restauration moins cher. A Saulieu, le navire amiral, nous estimons que nous atteindrons le point mort en attirant 15% de clients supplémentaires. Pour y parvenir, nous devons travailler notre image, allonger la durée moyenne du séjour et développer, par exemple, les séminaires de direction haut de gamme.
Qu'en est-il des produits dérivés >
Je suis ravie qu'Agis, qui fabrique et vend dans la grande distribution nos plats frais Bernard Loiseau, ait été rachetée par le groupe volailler LDC. Agis était certainement convoitée par des grands concurrents travaillant avec d'autres chefs. Son rachat par l'un d'eux aurait posé des problèmes de compatibilité.
Avez-vous envisagé de sortir de la Bourse >
Non. Notre stratégie est tout à fait compatible avec notre présence en Bourse. Nos actionnaires le comprennent. Nous avons certes évoqué en conseil d'administration l'idée de trouver un fonds d'investissement mais je n'ai pas envie de perdre le contrôle de ma société. Nous avions été critiqués en 1998 lors de notre introduction en Bourse. Mais c'était le seul moyen pour éviter de nous endetter. Beaucoup de Relais & Châteaux ont pensé suivre notre exemple mais la chute des marchés boursiers les en a dissuadés. Paul Bocuse aurait pu le faire il y a une quinzaine d'années.
Du coup, nous sommes aujourd'hui la seule entreprise de notre secteur à être en Bourse. On ne peut nous comparer à personne.
Réfléchissez-vous à céder votre groupe pour des raisons fiscales >
Il n'en est pas question. Je possède 53% du capital avec mes enfants. J'ai par ailleurs 1 400 petits actionnaires qui possèdent entre 10 à 1 500 titres chacun. Si je me retire, ces actionnaires réagiraient très mal, car ils sont très fidèles.