Article édifiant sur l'après Grèce... (Securibourse)
C'est un peu long, mais vous devez lire ça. Vous aurez été prévenu...
Le défaut sur la dette grecque est inévitable
La crise de lEuro saccélère. Lépisode du nouveau « sauvetage » de la Grèce na rien réglé. Désormais, et quoique que puissent en dirent les Présidents et Premiers Ministres réunis à Deauville pour le G8, le défaut sur la dette (pardon la « restructuration ») est inéluctable. Labsence daccord politique sur les nouvelles mesures daustérité est compréhensible, et ne fera quaccélérer le cours des événements. Nous voyons les troubles sociaux monter en Espagne. Même lItalie commencer à inquiéter les marchés ; le taux dintérêt sur sa dette à 10 ans avait atteint le lundi 23 mai 4,86%. La Belgique est dorénavant source dinquiétude et pourrait voir dans les semaines qui viennent sa note baisser. La marche vers la crise terminale se poursuit avec le déclenchement dun processus de contagion :
La Grèce sera probablement le premier des maillons de la chaîne de lEuro à sauter. Les taux sur les bonds du Trésor à 10 ans ont atteint 18.20%. De plus, les taux dintérêt sur les bonds du Trésor à deux ans sont montés à 45%, un chiffre astronomique qui ne fait sens que parce que les opérateurs du marché sattendent à ce que la Grèce fasse défaut dans un délai de moins de deux ans en dépit du plan de privatisation. Ceci entraînera très probablement une nouvelle crise au Portugal et en Irlande.
Pourquoi la Grèce va faire défaut et pourquoi doit-elle faire défaut >
La situation de la Grèce est inextricable en raison de lampleur de sa dette, qui était de 703 milliards dEuros (soit 296% du PIB), dont 293 milliards pour la dette publique, 120 milliards de dettes des entreprises financières, 165 milliards des entreprises non financières et 123 milliards pour les ménages au 31 décembre 2009. Depuis elle a atteint les 780 milliards. La dette publique qui se montait à 122% du PIB fin 2009 atteint à la fin du premier trimestre 2011 142,5% du PIB. Le déficit budgétaire est estimé entre 9% et 10%.
Si le taux dintérêt moyen sur la dette publique était ramené à 3,5% par an, la charge des intérêts représenterait 5,15% à la fin de 2011. La Grèce va avoir un taux de croissance du PIB sur lannée 2011 de -1,5% en termes réels. Si lon estime linflation à 3,5%, la croissance nominale (et non réelle) devrait être de 2%. Le budget devrait donc dégager un excédent primaire égal à la charge des intérêts (5,15%) diminuée de la croissance nominale (2%) simplement pour stabiliser le poids de la dette en pourcentage du PIB, soit 3,15%. Compte tenu du déficit actuel, cela impliquerait, au minimum, un choc dajustement budgétaire de 12% à 13%.
Cependant, certaines des hypothèses de ce calcul sont dores et déjà trop optimistes. Le nouveau plan daustérité va faire chuter la croissance de manière importante, et la réduction du taux dintérêt à 3,5% nest pas acquise. On peut donc tabler sur un choc de 15%. Par ailleurs, si linflation en augmentant le PIB nominal peut soulager la pression de la dette, elle dégrade encore plus la compétitivité de la Grèce.
Il est donc clair que la situation nest plus tenable, ni pour la Grèce, qui ne peut sinfliger une austérité aussi drastique, ni pour lEurope qui ne peut mettre la Grèce sous perfusion sans courir le risque de voir dautres pays demander le même traitement.
Un défaut sur la dette est donc inévitable et ne signifie pas la fin du monde. Cependant, il entraînera la sortie de la Grèce de la zone Euro afin de pouvoir dévaluer et retrouver sa compétitivité, car un défaut sans une dévaluation na pas de sens. Compte tenu de la structure du commerce extérieur de la Grèce (dont seulement 35% se fait avec la zone Euro) et des sources de revenus de léconomie de ce pays (le tourisme, les exportations vers les pays arabes et les revenus de la flotte de commerce) une forte dévaluation apparaît comme la moins mauvaise des solutions.
Bien entendu, elle provoquera une crise bancaire interne, mais les autres choses dont on menace la Grèce (comme linterruption de laide Européenne ou limpossibilité daller sur les marchés financiers) sont dores et déjà des réalités. La Grèce ne pourra pas retourner sur les marchés pour y emprunter avant au moins 2015 et laide a vu les fonds structurels baisser de manière importante ces dernières années. Si la sortie de lEuro posera certainement des problèmes importants, le choc social sera cependant bien moins important que dans laustérité continue que la Grèce devrait simposer pour plusieurs années si elle voulait à tout prix rester dans lEuro.
Dans ces conditions, le plus vite une telle décision sera prise, le mieux cela vaudra pour la population et léconomie.
Dans ce contexte, lEspagne pourrait suivre rapidement. Le taux dintérêt sur ses bonds du Trésor à 10 ans atteint déjà 5,53%. Le pourcentage des dettes aux banques qui ne sont pas remboursées atteint déjà 6,2%. Avec la fin massive et programmée des allocations chômages on atteindra vraisemblablement les 9% vers la fin de lannée. Le gouvernement naura pas dautres solutions que de recapitaliser massivement le système bancaire, ce qui fera exploser la dette publique. Devant les tensions sur les taux dintérêts qui atteindront alors les sommets Grecs ou Irlandais, lEspagne devra demander à bénéficier du Fond Européen de Stabilité Financière, dont les moyens sont déjà accaparés par la Grèce, lIrlande (dont les taux à 10 ans sont remontés à 10,86%) et le Portugal.
Ce dernier pays continue de se débattre dans une récession, maintenant aggravée par les mesures qui sont soi-disant conçues pour le sauver. Il devra certainement demander une nouvelle aide à la fin de 2011. Les notations de ces pays se dégradent donc en conséquence alors que le coût dune assurance contre un défaut (CDS à 5 ans) monte :
Un certain nombre déconomistes et dhommes politiques de gauche comme de droite reconnaissent que le statu quo européen actuel nest plus possible ni défendable. Il nous conduit tout droit à des surenchères sans fin dans laustérité et, par ses effets cumulés à léchelle européenne, à une dépression dune ampleur encore inconnue. Cependant, effrayés semble-t-il par leur propre audace, ces hommes politiques se refusent à tirer les conséquences logiques de leurs analyses.
La question se focalisant autour dune possible sortie de lEuro, sur laquelle jai rédigé en avril 2011 un document de travail, je voudrais envisager les problèmes que cette dernière soulève, ainsi que les solutions qui sont possibles, mis aussi mettre ces problèmes en regard de ceux qui nous attendent si nous restons dans lEuro. Ceci me conduira alors à aborder le problème de la coopération (et de la non-coopération) sur lequel bien des bêtises sont dites avec le plus grand naturel.
Enfin, il faut se poser la question de savoir quelle est la « meilleure » des solution théoriquement possible, mais aussi si une telle solution est pratiquement possible. La politique est, comme la guerre, un art tout en opportunité.
« II »
I. Les problèmes que pose une sortie de lEuro.
Ces problèmes se concentrent sur les trois points suivants :
le poids de la dette détenue par des non-résidents (environ 65%) ;
lévolution du pouvoir dachat des ménages ;
le risque de spéculation pour une monnaie nouvellement recréée.
En fait, jai déjà fourni des esquisses de solutions à ces différents problèmes dans mon document de travail « Sil faut sortir de lEuro ». Je constate, pour le déplorer, que des personnes comme Francis Wurtz nont retenu que mes mises en garde et non les solutions. Lhonnêteté minimale aurait consisté à présenter les deux au lecteur et de mettre mon texte en lien. Mais cest probablement trop demander à quelquun dont le passé de stalinien est bien connu.
Prenons tout dabord le cas de la dette. La dette détenue par les non-résidents se monte à 832 milliards dEuros. Entre les rachats auxquels le Trésor procèderait avant la sortie de lEuro, et ceux auxquels les banques françaises seront obligées de procéder pour tenir la contrainte mensuelle du « plancher deffets publics », il est possible de faire tomber à 400 milliards deuros la dette détenue par les non-résidents en lespace de 3 mois. Par ailleurs, la hausse des taux dintérêt sur les titres déjà émis à laquelle la France serait confrontée dès la mise en uvre des mesures préparatoires à une sortie de lEuro prend techniquement la forme dune baisse de la valeur de revente du titre.
Dans la mesure où nous naurions plus à nous financer par des opérations de marchés (sur les marchés internationaux) et que le marché français serait isolé des autres marchés, la hausse des taux signifiant une baisse de la valeur de revente. Ceci permettrait de racheter plus de titres. Au total, au jour de la sortie de lEuro ne resteraient entre les mains des non-résidents que probablement 300 milliards de titres déjà émis. Si nous acceptons lidée dune dévaluation de la monnaie nationale retrouvée (le Franc >) de 25%, ceci impliquerait un alourdissement de la dette de 75 milliards de Francs (300 milliards dEuros étant alors équivalent à 375 milliards de Francs). On est donc très loin des prévisions catastrophiques voire apocalyptiques qui sont faites par certains.
Pour la dette des entreprises, ceci ne devrait poser un problème que pour les entreprises de taille moyenne. Les petites entreprises sont endettées sur le marché interne du crédit, et les grandes entreprises font une partie de leurs revenus hors de France. Il faudrait trouver des solutions adaptées qui pourraient aller du rachat de la dette à des titres de substitution émis par une caisse publique.
Vient ensuite la question du pouvoir dachat. Il est dégradé par deux effets distincts, dune part le renchérissement des biens importés et dautre part un phénomène probable dinflation interne qui serait engendrée par la rupture du carcan imposant à notre économie une inflation qui, en réalité, est inférieure à son taux structurel.
Sur le premier type deffet, on peut fortement latténuer par une modification de la fiscalité sur les carburants. Il conviendrait aussi dinstaurer un contrôle des marges de la grande distribution et létablissement de circuits commerciaux « courts » favorisant les producteurs français. Il importe de surveiller étroitement le système commercial « centralisé » français. Une prise de contrôle de centrales dachat ou à tout le moins un contrôle strict sur leur activité pourrait être nécessaire. Ces mesures seraient aussi efficaces, en partie, contre le second type deffet, qui concerne linflation non plus importée mais cette fois-ci engendrée. Pour cette dernière il est clair que des mesures de type « échelle mobile » pourraient dans un premier temps être réintroduite pour certains salaires (les plus faibles).
Globalement, il est certain quil y aura un choc de pouvoir dachat, mais ce choc sera court (car léconomie repartira rapidement et avec elle les rémunérations) et il pourrait être en grande partie combattue par des mesures fiscales et réglementaires visant à obtenir une meilleure répartition de la richesse nationale. La convocation dune « Conférence Nationale sur les Rémunérations » entre le gouvernement, les syndicats et le patronat simposerait. Cette conférence aurait pour but dorienter cette répartition et de lui donner un cadre légal.
Enfin, quant à la question de la spéculation, elle est largement traitée dans mon document de travail déjà cité. Disons rapidement que lintroduction dun contrôle strict sur les mouvements de capitaux à court et moyen terme la suppression du marché de certains produits dérivés et diverses autres mesures visant à définanciariser léconomie aboutiraient à une impossibilité technique de la spéculation. Dailleurs, on le constate tous les jours, il ny a aucune spéculation sur le Yuan chinois qui est convertible mais dans un cadre très structuré et réglementé.
Il est donc clair quune sortie de lEuro poserait des problèmes à léconomie française, mais il faut aussi avoir lhonnêteté de dire que des solutions existent et, surtout, il faut comparer lampleur de ces problèmes à ceux qui nous attendent si nous restons dans la zone Euro. En fait, sil existe une réelle volonté pour sortir de lEuro, on peut tabler sur lexistence de cette même volonté pour faire face aux problèmes que poserait cette sortie.
II. Le coût du maintien dans la zone Euro.
Ces coûts se concentrent sur trois processus auxquels nous sommes déjà soumis et qui niront quen se renforçant dans les prochaines années. Dailleurs, une partie de mes contradicteurs reconnaissent que la situation actuelle, issue de la logique du Traité de Maastricht, est incompatible avec ce quils appellent une « ambition sociale ».
(a) Un surcroît daustérité
Cette austérité est inévitable en raison des chocs budgétaires quil faudrait sauto-imposer pour sauver lEuro. Si nous voulons simplement stabiliser le poids de notre dette en pourcentage du Produit Intérieur Brut, il nous faudra appliquer un choc budgétaire compris entre 6% et 7,5% du PIB. Un choc identique attend lItalie, tandis que le Portugal et LEspagne devront sinfliger un choc de 10% et la Grèce de près de 17%. Notons que le choc dune dévaluation sur la consommation est estimé (si rien nest fait dans le domaine fiscal pour lamoindrir) à 2% du PIB dans le cas dune dévaluation de 25%. En fait, le choc apparaît nettement plus important si nous devons rester dans la zone Euro et son impact sur le pouvoir dachat des ménages sera considérable.
(b) Une faible croissance
Les diverses études qui ont été faites montrent que la surévaluation (ou appréciation) de lEuro coûte 1% de croissance par tranche de 10% de surévaluation par rapport au taux de change qui, pour notre pays, correspondrait à léquilibre.
Certes, actuellement (20 mai) lEuro baisse Mais, avec plus de 1,43 dollars contre 1 Euro, nous sommes encore très loin dans lappréciation. En fait, on peut estimer que lEuro est surévalué dau moins 25%. Quelles auraient été les conséquences dune dévaluation > Pour 2011 cela signifierait que nous aurions un taux de croissance de 4% à 4,5% au lieu des 1,7%-2% que lon attend. On conçoit immédiatement les implications sur le taux de chômage, mais aussi sur les salaires.
(d) La poursuite de la désindustrialisation
Si la croissance en volume est un élément important, le contenu de cette dernière lest aussi. En fait, compte tenu des gains de productivité que lon connaît en France, il faudrait que lon ait une croissance sensiblement supérieure à 3% pour que le phénomène de la désindustrialisation sarrête.
Les causes de cette dernière sont connues : la différence des coûts salariaux entre la France et les pays émergents où la productivité progresse très fortement depuis une quinzaine dannées. Or, non seulement lEuro sest apprécié par rapport au Dollar, mais il sest apprécié bien plus par rapport aux monnaies de certains des pays émergents. Ajoutons à cela louverture pratiquement totale à la concurrence internationale. En fait, la question de la protection relative du marché intérieur et de la pénétration sur les autres marchés combine la question des droits de douane et celle du taux de change.
Si lon sen tient uniquement à ce dernier, on voit que ce nest pas seulement le volume de croissance quil pénalise mais aussi le contenu de cette dernière. Avec un Euro fort, et une absence de droits de douane, nous sommes condamnés à perdre notre tissu industriel. Or, lindustrie est une activité qui engendre une structure des salaires qui est assez différente de celle des services à la personne et du commerce. Autrement dit nous sommes condamnés avec le taux de change tel que nous le connaissons à voir lemploi se polariser entre un petit nombre de positions très bien payées (dans la finance et dans les services associés comme la communication) et le plus grand nombre réduits à gagner le SMIC où peu sen faut.
En fait, ce processus a été entamé lors de la politique dite « de Franc Fort » menée en son temps par Pierre Bérégovoy.
Les coûts de notre inscription dans la zone Euro apparaissent ainsi bien supérieurs aux coûts de notre sortie éventuelle. Ce nest pas un hasard si la zone Euro a connu le taux de croissance le plus faible de tous les pays développés. Un peu dhonnêteté aboutirait à le reconnaître. Mais, on peut alors soulever un autre problème : lEuro nest-il pas la seule formule de coopération entre pays européens >
« III »
I. Coopération et non coopération parmi les nations.
On entend ou on lit souvent des formules affligeantes telles que « lEuro cest paix sur le continent européen » ou encore « lEuro, cest lEurope ». Ce sont des injures à lintelligence qui montrent un mépris de lhistoire et de ses réalités.
La paix sur le continent européen nest que partielle. On la vu dans les Balkans. Mais, si la paix est par contre bien établie en Europe occidentale, on le doit à la combinaison de deux faits, la dissuasion nucléaire et la réconciliation franco-allemande, elle-même fruit du travail que les Allemands ont réalisé sur leur propre histoire. Rien de tout cela nest lié, de près ou de loin, à lEuro. Par ailleurs, noublions pas que sur les 27 pays de lUnion européenne seuls 13 dentre eux font partie de la zone Euro.
Une fois litière faite de ces contrevérités, on peut tenter une analyse dépassionnée de la question de la coopération et du conflit.
Lunion monétaire est présentée comme une avancée dans la voie de la coopération entre États européens, ce quelle est indiscutablement. Mais, est-elle viable dans sa forme actuelle > Les pays de la zone Euro sont très loin de constituer une « zone monétaire optimale ». Les divergences structurelles entre les économies qui la composent, qui étaient déjà importantes au départ, se sont en fait accrues depuis 2002-2003. Il faudrait un effort budgétaire considérable de la part des plus riches pour harmoniser cette zone.
On tend alors à nous présenter la coopération comme un bien en soi face à la possibilité dun conflit. Mais, cest oublier que dans la réalité, coopération et conflit sont étroitement liés. En fait, le conflit fait partie intégrante de la coopération, tout comme on constate que des formes résiduelles de coopération subsistent au sein des formes les plus violentes des conflits. Si la théorie des jeux a popularisé les notions de « jeu à somme nulle » ou de « gagnant-gagnant » il faut se souvenir quelle décrit un univers unidimensionnel, où les agents ont des préférences stables. La réalité est encore une fois bien différente. La coopération ne sétablit pas seulement quand des acteurs, ou des pays, constatent quils ont un intérêt à coopérer. Elle sétablit aussi quand ces mêmes acteurs ou pays ont les moyens de « punir » un pays qui détournerait le processus de coopération à son seul profit. Autrement dit, la menace permanente dun recours au conflit est le véritable ciment de la coopération. Car, si une situation de conflit est assurément inférieure à une situation de coopération, cette même situation de conflit est bien souvent supérieure à une forme de coopération capturée par un ou quelques acteurs. Or, cest très précisément la situation actuelle dans la zone Euro.
LAllemagne a détourné le mécanisme à son profit, ce que montrent les statistiques du commerce extérieur allemand. Pour lannée 2009 lexcédent de la balance commerciale était de 140 milliards dEuros pour lAllemagne dont 82,6 milliards au détriment de ses partenaires de la zone Euro et 115,8 milliards au détriment de lUnion Européenne (soit 33,2 milliards au détriment des pays de lunion ne faisant pas partie de la Zone Euro). À titre dexemple, le solde commercial allemand montre un excédent de 27,3 milliards dEuros avec la France mais de seulement 18,1 milliards dEuro par rapport aux Etats-Unis, et ce en dépit de la taille respective des économies et des populations.
Nous sommes donc confrontés au véritable problème qui gît sous la notion de « coopération ». Les relations franco-allemandes seront-elles à terme renforcées ou affaiblies par la zone Euro >
Je nai pas utilisé le terme de « couple franco-allemand » à dessein. Ce terme, si fréquent sous la plume et dans la bouche de responsables français est quasi-inexistant outre-rhin. Si les relations franco-allemandes ont nourri bien des fantasmes, ce furent et ce sont essentiellement des fantasmes français.
Si nous restons dans la zone Euro, la population française ressentira chaque mois un peu plus la dureté de la contrainte imposée par lAllemagne. Le sentiment anti-allemand grandira jusquà rendre difficilement gérable les relations entre nos deux pays. Si nous acceptons maintenant de nous décentrer et de prendre le point de vue allemand, nous devons considérer quil est celui dune population entrée dans un déclin non plus relatif mais absolu. Il est impératif pour les Allemands, sils veulent maintenir leur niveau de vie dans le futur, quaucune charge nouvelle ne vienne sajouter aux budgets publics. La dynamique démographique de la France rend possible le maintien dune structure de répartition intergénérationnelle quand la structure démographique de lAllemagne lui impose dadopter une structure patrimoniale.
Or, le maintien de la zone Euro exigerait, pour colmater les brèches déjà ouverte, mais aussi pour éviter que de nouvelles ne souvrent, que lAllemagne dégage entre 3,5% et 4% de son PIB tous les ans pour subventionner les pays du sud et, dans une certaine mesure, la France. Encore une fois, un minimum dhonnêteté impose de constater que lAllemagne ne pourra pas consentir un tel effort, et lon aurait tort de lui en vouloir. Mais, cest aussi pourquoi elle a imposé à ses partenaires le trop fameux « pacte de compétitivité » qui na de pacte que le nom et qui nest autre quun engagement des autres pays à mettre en uvre une austérité drastique.
Le maintien dans lEuro est une politique qui porte en elle les ingrédients pour un renouveau du conflit franco-allemand. Au contraire, une sortie de lEuro, quil sagisse de la France ou de lAllemagne, permettrait de dédramatiser ces relations.
Ceci ne signifie pas quil faille jeter à la rivière lidée dune coordination dans le domaine monétaire.
Cette coordination peut cependant prendre bien dautres formes que celle de la monnaie unique dont les contraintes lemportent sur les avantages. Cependant, une importante leçon des trente dernières années doit être tirée. La coordination ne pourra fonctionner que si nous construisons sérieusement des stratégies nous permettant, le cas échéant, de « punir » nos partenaires ou à tout le moins de les convaincre de notre résolution à ne pas accepter des politiques par trop contraires à nos intérêts. Il ne suffit pas de dire à la cantonade « je veux coopérer » pour obtenir satisfaction. Cette stratégie-là ne fonctionne que dans le monde des bisounours.
Inversement, le refus temporaire de la coopération, le choix délibéré du conflit, peut permettre de reconstruire une attitude crédible sur la base de laquelle une négociation ultérieure peut aboutir. La France en a donné lexemple en 1965 avec la « politique de la chaise vide » qui devait aboutir au fameux « compromis de Luxembourg ».
Dès lors, le principe de la coordination monétaire pourrait être plus fructueusement appliqué une fois que la crédibilité de la France aurait été restaurée par des mesures qui, si elles entament un conflit, laissent aussi la porte ouverte aux négociations et à la reprise du processus de coordination, mais sur dautres bases.
Ainsi, la coopération est certainement quelque chose à rechercher mais ce nest pas en la fétichisant, en prétendant exclure du cadre de la vie politique la réalité du conflit, que lon peut y parvenir. Ceux qui disent très fort aujourdhui quil faut sauvegarder la coopération à tout pris et que pour cela il faut résister à toute tentation de sortir de la zone Euro prennent la responsabilité devant lhistoire et devant les peuples, de rendre la poursuite dune politique de coopération impossible et de réactiver lantagonisme franco-allemand.
LEurope a finalement peu à craindre de léchec de la zone Euro. Ce montage institutionnel fait de bric et de broc et construit dans lurgence par des politiques aux abois et des technocrates sans légitimité, peut fort bien disparaître. Mais lEurope à tout à craindre du réveil dun antagonisme franco-allemand qualimenterait le juste ressentiment qui naît de loppression des intérêts des uns et des autres.
II. La sortie de lEuro est-elle la seule solution >
Arrivé à ce point on pourrait penser que la messe est dite et quil nous faut absolument sortir de lEuro. En fait, théoriquement, il reste une solution qui aboutirait à un résultat encore plus intéressant que la sortie.
Si nous pouvions convaincre nos partenaires que la BCE doit financer le rachat par les États dune partie de la dette (de 60% pour la Grèce, lItalie et la Belgique, à 50% pour le Portugal et lIrlande, 40% pour lEspagne et 30% pour la France et lAllemagne), la création monétaire nécessaire (entre 1100 et 1300 milliards dEuros) ferait substantiellement baisser le taux de change de lEuro face au Dollar et aux monnaies qui sont de fait indexées sur le Dollar. Dune même mesure, nous réglerions le problème de la dette accumulée et une large partie de la dette immédiatement à venir en redonnant un dynamisme à la zone Euro. Ceci offrirait un répit de trois à quatre ans qui pourrait être mis à profit pour faire basculer le système du principe dune monnaie unique à celui dune monnaie commune. Rien ninterdit techniquement de sengager dans une telle voie.
Mais, politiquement, il faut bien voir que loccasion a été perdue. Une telle stratégie aurait dû être mise en discussion dès les premiers signes de la crise grecque, soit en septembre 2009. Elle aurait dû être mise en uvre lors de la crise irlandaise ou portugaise. Il nen a rien été et, désormais, au vue de laccélération et de la généralisation de la crise, il est trop tard. Lhistoire jugera sévèrement le personnel politique européen qui a vécu (et qui vit encore) dans le déni de la crise. Un tel aveuglement vaut révocation
Une autre solution envisageable serait de procéder à des mesures unilatérales dans le cadre de la zone Euro, par exemple en réquisitionnant la Banque de France pour quelle procède à des avances au Trésor public et en réintroduisant à la seule échelle de la France des contrôles sur les mouvements de capitaux. Mais, dune part, ces mesures risquent dêtre insuffisantes pour faire baisser suffisamment le taux de change de lEuro. Dautre part, si elles sont appliquées avec lampleur et la brutalité nécessaires, elles savèreront lantichambre dune sortie de lEuro. En effet, aujourdhui, il y a trop de divergences économiques entre la France et lItalie et lEspagne pour que lon puisse espérer aboutir rapidement à une position commune entre ces trois pays. Lidée dun « Euro du Sud » qui isolerait lAllemagne et pourrait pousser ce pays à sortir de la zone Euro, si elle est intellectuellement séduisante, risque de se révéler inapplicable. Encore une fois, nous sommes dans une phase daccélération de la crise. Cette solution aurait dû être pensée et préparée dès le début de 2010.
Le choix sera donc entre un maintien dans une zone Euro en crise, à un coût considérable en matière daustérité et de pouvoir dachat, et sans pouvoir espérer autre chose quune rémission, et une sortie de la zone Euro.
Cette solution produira certes un traumatisme, mais ce dernier sera plus politique quéconomique. Elle est la seule qui nous offre une perspective de croissance. Elle nétait pas mon premier choix quand jai commencé à tirer le signal dalarme, que ce soit quant à la dynamique de lEuro en 2006 ou par rapport à la divergence accélérée que connaissaient les économies de la zone (que javais qualifié de manière prémonitoire « deurodivergence ») dès le début de 2009.
Une question reste cependant posée : quand surviendra cette crise de la zone Euro > les évolutions de la situation en Grèce, mais aussi en Espagne et au Portugal pourraient impliquer que cette crise survienne dès le début de cet automne. Au plus tard, elle aura lieu vers la fin du printemps 2012. Les conséquences politiques pourraient en être bien différentes suivant le moment où cette crise se produira. Cest aussi sans doute la raison pour laquelle le personnel politique français se refuse à accepter linévitable et à faire face à la réalité. Mais Lénine disait déjà, il y a de cela presque cent ans, que « les faits sont têtus ». Le principe de réalité finit toujours par simposer aux idéologues.
Cependant, à trop vouloir nier la réalité, elle se venge
Article édifiant sur l'après Grèce...
Qui est l'auteur > La "solution" évoquée de monétisation d'une proportion importante de la dette européenne par la BCE est mise en oeuvre depuis quelques mois. Je ne suis pas sûr que jouer ainsi avec la masse monétaire n'aboutisse pas à de nouvelle catastrophes. Cela assure en tout cas un bel avenir à la valeur de l'or exprimée dans les monnaies dont les banques centrales jouent aux apprentis sorciers.( Pour rappel l'or est stable depuis le début de l'année exprimé en CHF). Les créateurs de ce monstre financier qu'est l'Euro, avaient-ils conscience des cataclysmes qu'ils allaient engendrer, car que la zone Euro reste en l'état, éclate totalement ou partiellement, nous échapperons difficilement au tsunami.
Article édifiant sur l'après Grèce...
» Qui est l'auteur >
Jacques Sapir:
http://www.marianne2.fr/Sapir-derriere-la-crise-grecque-l-explosion-de-l-euro_a206801.html
et son blog:
http://minuit-1.blogspot.com/2011/06/analyses-et-interventions-de-jacques.html
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jean-marie