Ouh la la... le monde qui vient ! (Securibourse)
" LE MONDE QUI VIENT " , par Jacques Sapir, le 25 octobre 2008.
http://www.arhv.lhivic.org/index.php/2008/10/25/850-le-monde-qui-vient
EXTRAITS :
Une récession de longue durée >
Si la récession dans laquelle nous sommes entrés est appelée à être importante, on ne doit pas non plus en sous-estimer la durée. Contrairement aux affirmations fallacieuses de certains économistes "médiatiques" en 2007 ou au premier semestre de 2008, nous ne sommes pas dans un simple "cycle" économique. Cette crise est avant tout celle d'un modèle de croissance ou d'un mode d'accumulation qui s'est mis en place à partir des années 1980.
On voit bien aujourd'hui que ce régime d'accumulation est durablement brisé. Même une fois la crise financière et boursière surmontée, et nous en sommes loin encore, il est clair que les banques ne pratiqueront plus le crédit comme elles l'ont fait antérieurement. Une profonde aversion au risque va caractériser des marchés financiers dont une partie des institutions auront sombré dans la crise et sur lesquels pèsera une opprobre durable.
Le poids de l'endettement et ses conséquences
Si la crise actuelle va nécessairement accélérer le rééquilibrage économique perceptible depuis une décennie, elle va engendrer d'autres problèmes qui vont peser sur le contexte géoéconomique mondial. Le plus évident est indiscutablement celui de l'endettement. On a vu que le modèle néolibéral ne pouvait maintenir une croissance raisonnable (au-dessus de 2,5%) qu'au prix d'un endettement constant des ménages. En fait, les pays qui ont adopté ce modèle, que ce soit le Etats-Unis ou leurs clones européens ont atteint les limites absolues du modèle, ce qui explique la violence de la crise. Ils devront s'y résoudre, ou tenter de la combattre en accroissant fortement l'endettement public, au point de dépasser rapidement ici les pays qui avaient conservé le modèle européen traditionnel.
Il est très peu probable que l'épargne des pays émergents vienne acheter massivement ces nouvelles dettes émises par les pays développés. D'une part en raison de la montée, désormais inévitable, du protectionnisme qui réduira l'excédent commercial de ces pays. D'autre part, parce que le pivotement d'une logique de croissance extravertie, portée par la prédation sur le commerce international vers une logique introvertie, fondée sur le marché intérieur implique une réduction des taux d'épargne qui sont souvent comme en Chine excessifs. Les pays émergents devront d'une part accroître leur consommation au détriment de l'épargne pour trouver de nouveaux moteurs de croissance et d'autre part consacrer la plus grande part de leur épargne à investir chez eux.
La rupture du mécanisme qui voyait l'excédent commercial des pays émergents se recycler dans la dette américaine est probablement brisé pour une très longue période. Dans ces conditions, les pays développés ont peu d'alternatives. S'ils tentent de réduire la croissance de leur endettement par sa maîtrise en matière de dépenses, ils aggraveront dramatiquement la récession au point de risquer des troubles politiques et sociaux majeurs. S'ils accroissent les taux d'intérêts pour tenter de rendre leur dette attractive, ils tuent l'investissement et aggravent, par un autre biais, la crise.
Une alternative raisonnable serait de procéder politiquement à la destruction d'une partie des dettes existantes, par des rémissions de créances pour les ménages et des défauts organisés pour les dettes d'entreprises ou des administrations. Mais, une telle alternative raisonnable est peu probable car exigeant un degré de courage politique qu'il ne faut pas s'attendre à trouver dans les systèmes occidentaux. La dernière alternative, qui est celle qui sera très probablement adoptée, consistera en un fort accroissement de l'inflation.
Pour éviter que la récession ne se transforme en dépression, les économies occidentales n'auront pas d'autre choix que de revenir sur les avantages inouïs accordés à la rente contre le travail depuis les années 1980. Comme Keynes l'avait déjà indiqué, l'inflation va permettre aux entrepreneurs de se dégager de la «main-morte» du passé pour que la croissance reprenne[6], et elle sera l'euthanasie douce du rentier.
Le retour de l'État
Ce retour au rôle actif de la dépense publique dans un contexte de forte récession va faire partie d'un mouvement plus général de retour de l'État comme acteur économique majeur. Telle est certainement l'une des conséquences les plus importantes de la crise actuelle.
De fait, les principaux pays développés vont être conduits à s'aligner sur des pratiques économiques qui ont été celles de pays émergents comme la Chine, la Russie ou le Brésil. Il deviendra d'ailleurs de plus en plus difficile de stigmatiser ces pratiques dans les forums internationaux dans la mesure où elles vont devenir courantes dans les pays occidentaux[12].
Quel futur pour l'euro >
Le retour à la souveraineté monétaire sera une tendance générale. Elle aura des implications importantes en Europe.
La solution, plutôt que de se résoudre à un éclatement total de la zone euro, pourrait être un système intermédiaire. Pour certains pays membres, l'euro deviendrait une monnaie de réserve, par rapport à laquelle leur monnaie nationale qu'ils auraient rétablis, serait convertible sur la base d'un taux fixe révisable de manière régulière. Les pays constituant le bloc le plus homogène pourrait eux conserver l'euro comme monnaie unique. On aurait une zone euro constituée de cercles concentriques, qui serait plus robuste et plus flexible pour faire face aux nouvelles contraintes. Ce système permettrait d'ailleurs plus facilement que la forme actuelle de l'euro une coordination avec d'autres monnaies et donc la constitution d'une zone de stabilité monétaire allant au-delà des frontières de l'UE.
Vers un nouveau Bretton Woods >
Un monde multipolaire interdit l'émergence d'une nouvelle "devise-clé" à l'échelle mondiale
Le choix actuel est donc soit de tenter de maintenir un système mondial, mais qui ne pourra être construit que sur une monnaie "neutre" qui pourrait être un "panier" de différentes monnaies , soit de prendre acte d'une fragmentation du système avec émergences de blocs régionaux structurés autour de monnaies de réserve régionales, et tenter de coordonner ensuite ces ensembles régionaux.
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- Crise inedite = des parametres a renouveler ? - Alix, 29/10/2008, 10:22
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- Une analyse limpide de la Crise - Alix, 29/10/2008, 14:31
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