Veolia environnement (Securibourse)
Pris une ligne sous les 18 ce matin.
La sanction sur le titre semble tout de même excessive.
La stratégie multi-services liés à l'environnement me semble bonne.
Les perspectives sont plutôt favorables même si Veolia va souffrir de la crise.
L'endettement a été effectivement correctement restructuré avant la crise.
HENRI PROGLIO - PRÉSIDENT DE VEOLIA ENVIRONNEMENT
Nous ne sommes pas en situation de devoir sacrifier nos choix stratégiques
[ 22/10/08 ]
Après avoir lancé un avertissement sur ses résultats dimanche soir, le groupe Veolia Environnement s'est effondré en Bourse lundi. Son président Henri Proglio, réunit les investisseurs aujourd'hui pour leur détailler sa stratégie et tenter de les convaincre de la solidité du modèle économique.
Après l'avertissement lancé dimanche soir, l'action Veolia a perdu 21 % lundi. Comment expliquez-vous ce plongeon >
Il faut rétablir les faits. Nous n'avons pas annoncé de pertes. Nous n'avons pas perdu de gros contrats. Nous avons simplement indiqué que, compte tenu des turbulences exceptionnelles de l'économie et d'aléas climatiques imprévisibles, notre capacité d'autofinancement ne croîtra pas de 6 %, mais sera équivalente à celle de 2007, qui était une année de résultats record ! Et l'année 2009 devrait être meilleure. J'ai du mal à considérer ce discours comme une catastrophe justifiant le massacre de la valeur de notre groupe.
Quel jugement portez-vous sur votre cours de Bourse >
Il est clair que nous avons perdu notre statut de valeur refuge et de valeur de rendement. Il faut aujourd'hui effectuer un travail d'explication. Nous ne valons pas 18 euros ! En toute rationalité, même dans la situation économique actuelle, des métiers de concessions comme les nôtres sont valorisés en moyenne 15 à 20 fois leur trésorerie libre. Sur la seule base de la valeur de nos actifs existants, l'action Veolia devrait valoir entre 40 et 55 euros. A cela s'ajoute notre potentiel de croissance. Sauf à penser que nous avons un potentiel de croissance nul, ce à quoi je me refuse.
Mais pourquoi avoir fait un deuxième avertissement sur vos comptes >
Veolia Environnement a été confronté à des événements imprévisibles. La baisse du dollar américain et de la livre sterling au premier semestre, puis celle du dollar australien. Même si nos investissements sont en monnaie locale, la baisse de la livre sterling, compte tenu de la conversion, pourrait effacer dans nos comptes en euros l'excellente performance des activités Royaume-Uni. De même, personne n'aurait pu prévoir que le cours du pétrole perde la moitié de sa valeur en fin d'année, ni les conditions climatiques de l'été. Aux Etats-Unis, les cyclones ont entraîné une coupure d'électricité qui a perturbé durant un mois notre usine du Texas. En Europe, l'été pourri a provoqué en Roumanie et en République tchèque des reculs des volumes de consommation d'eau de 19 % dans un cas, et de 5 % dans l'autre. En Chine, enfin, les grandes villes ayant été appelées à financer la reconstruction après le tremblement de terre nous ont demandé de reporter de quelques mois les augmentations de tarif prévues.
Vos concurrents n'ont pas revu leurs prévisions à la baisse. A combien évaluez-vous les conséquences de la crise économique >
Nous avons évalué l'impact de la crise économique entre 25 et 30 millions d'euros sur cette fin d'année, principalement en raison de la baisse des quantités de déchets industriels. J'ai peine à croire que les aléas climatiques, la baisse du dollar ou les reports tarifaires en Chine et au Maroc ne touchent que Veolia Environnement.
A aucun moment vous n'avez envisagé de remettre en cause le modèle stratégique de l'entreprise >
En trente ans, je n'ai jamais vu une telle accumulation d'événements extérieurs défavorables. Mais nous ne sommes absolument pas en situation de devoir sacrifier nos choix stratégiques. Le navire est sécurisé, la dette est totalement restructurée sur le court et le long termes, nous sommes face à un potentiel de développement gigantesque dans un contexte de prise de conscience mondiale des enjeux environnementaux. L'Europe discute du paquet climat de lutte contre les émissions de CO2, la Californie après l'Australie se trouve confrontée à un véritable problème de gestion de l'eau, la nécessité de recycler les déchets afin d'économiser la matière première est devenue un enjeu mondial.
Alors à quoi attribuez-vous cet effondrement boursier >
Nous sommes passés cette année de 65 à 18 euros, il est donc clair que nous avons eu un problème de communication qui a provoqué une déception dans le marché. Mais il me semble tout aussi clair que la brutalité de la chute boursière a été due à la spéculation. Car aucun de nos actionnaires importants n'a vendu ses titres. Au contraire : la famille Dassault a choisi d'entrer au capital de Veolia, considérant que l'entreprise était sous-évaluée ! Mais, parallèlement, un important courant de ventes a été provoqué, en début d'année, par des prises de bénéfices, et ultérieurement par la recherche de liquidités de fonds spéculatifs contraints par la crise financière. D'une manière générale, l'action Veolia Environnement a subi d'importantes ventes à découvert qui ont poussé le cours à la baisse.
Comment contrer ces ventes à découvert >
Il faut arrêter la spéculation. J'approuve totalement le plan de soutien aux banques décidé par le gouvernement, mais ce plan aurait dû, à mon sens, avoir pour contrepartie la mise en place de dispositions visant à réguler les activités spéculatives.
Vu la crise actuelle, votre endettement de 16 milliards d'euros, soit 150 % de vos fonds propres, n'est-il pas trop élevé >
Mesurer notre endettement en pourcentage de nos fonds propres n'est pas pertinent. Le groupe est né endetté. Il y a 8 ans, nous avons hérité de la dette de Vivendi. En deux ans, nous avons restructuré cette dette et aujourd'hui, peu de groupes ont une situation financière aussi solide ! Nous n'avons pour l'essentiel que des financements obligataires. Les deux tiers de notre dette sont à taux fixes avec une maturité de quasiment 10 ans. Nous n'avons pas d'échéance de remboursement significative avant 2012. Et je le dis clairement : il n'y aura ni augmentation de la dette ni augmentation de capital.
Et à court terme, qu'en est-il de votre trésorerie >
Veolia n'a aucun problème de liquidité. Nous avons des lignes de crédit bancaire confirmées de près de 5 milliards d'euros, sur lesquelles nous avons tiré 1 milliard par précaution la semaine dernière. A cela s'ajoute une trésorerie positive de plus de 2 milliards. Nous ne dépendons donc pas du marché des billets de trésorerie. Par ailleurs, le flux de liquidités dépend de nos investissements nets d'une part, de la capacité d'autofinancement opérationnelle d'autre part. Cette dernière - l'Ebitda - atteindra cette année entre 4,1 et 4,2 milliards d'euros, le même niveau qu'en 2007, et nous allons effectuer 1 milliard de cessions en 2008, dont 900 millions sont déjà sécurisés. Au total, nous céderons probablement un peu plus que le 1,5 milliard prévu sur les années 2008 et 2009. Les investissements seront limités à 3 milliards l'an prochain et nous serons en free cash-flow net positif.
Le plan d'économies annoncé implique t-il des licenciements >
Nous avons annoncé un plan d'économies de 400 millions d'euros d'ici à fin 2010. Mais il n'y a aucune raison de faire un plan de licenciement dans une entreprise dont le chiffre d'affaires va augmenter de plus de 12 % ! Lors de la journée investisseurs d'aujourd'hui, je vais annoncer que plus de 180 millions d'économies seront réalisées à fin 2009 dans le cadre du plan et que les résultats opérationnels seront en amélioration.
Une dégradation de la santé des collectivités locales peut-elle impacter votre groupe, notamment si elles décident de reporter des investissements >
Que je sache, les clients vont continuer à payer leurs factures d'eau, et les collectivités locales vont continuer à prélever la taxe sur l'enlèvement des déchets ménagers. Si elles souhaitent faire des économies, les villes vont plutôt reporter à plus tard leurs investissements de voirie ou d'immobilier, ou confier à des opérateurs la gestion de leurs services environnementaux.
PROPOS RECUEILLIS PAR JULIE CHAUVEAU, MYRIAM CHAUVOT ET FRANÇOIS VIDAL
Veolia : tempête pour un verre d'eau
Veolia : tempête pour un verre d'eau
[ Les Echos - 29/10/08 ]
LE GÉANT DES SERVICES DANS LES TURBULENCES DE LA CRISE
Un bon verre d'eau est-il la meilleure des potions anticrise > Pour Henri Proglio, le PDG de Veolia, cela ne fait pas l'ombre d'un doute. Il l'énonce avec une telle évidence au milieu de la tempête économique qu'il donne l'impression d'avoir personnellement connu, comme son entreprise, un empire, trois guerres et autant de républiques. Pensez donc, l'eau, les déchets, l'énergie, les transports, tous les enjeux du XXIe siècle réunis au sein d'un même groupe gigantesque, qui emploie près de 320.000 personnes dans le monde et domine son secteur de la tête et des épaules !
Et, pourtant, tout semble toujours à recommencer. Comme le faisait déjà le fondateur, le comte Henri Siméon il y a un siècle et demi face au baron Haussmann, il faut sans relâche convaincre les sceptiques du bien-fondé de son approche. La semaine dernière, il s'agissait d'amadouer des analystes financiers en colère. Mécontents de l'annonce d'un bénéfice 2008 moins bon que prévu, ils ont contribué à l'effondrement du cours de Bourse qui a perdu 20 % en une seule journée, symbolisant à lui seul la déroute des marchés financiers face à la crise.
Veolia, du haut de ses cent cinquante ans d'existence, assis sur un métier de concessions qui lui assure parfois des monopoles de plusieurs dizaines d'années, actif dans des métiers qui touchent aux besoins vitaux, comme l'eau, les déchets ou le chauffage, n'est donc pas insensible à la conjoncture. Il a suffi d'un été pluvieux, de quelques cyclones et d'un tremblement de terre en Chine pour faire déraper les comptes. Et ce n'est pas fini, la récession affecte ses clients industriels et bientôt les recettes des collectivités locales.
Mais cela ne fera pas changer d'un iota la stratégie de la société : devenir l'interlocuteur incontournable de ceux qui veulent sous-traiter tous leurs services « environnementaux » et privilégient un interlocuteur unique. Tout juste va-t-elle mettre un frein à sa boulimie d'acquisitions, afin d'éviter de dégrader sa trésorerie et de prendre trop de risques. Pour le reste, elle estime que son périmètre d'activité et sa couverture géographique la rendent « résiliente à la crise et résistante face à la concurrence ». Son modèle est en béton. Déjà en 1853, Henri Siméon s'enthousiasmait devant ses actionnaires pour le potentiel de ce métier né en Angleterre, rappelant que les actions de la plus belle affaire, celle de New River à Londres, « rendent aujourd'hui 1.000 % ». Il ajoutait : « Nous voyons que ces entreprises sont généralement bonnes, là surtout où elles ne se font pas concurrence ; or vous savez qu'en France ces sortes de concessions constituent un privilège qui ne comporte pas de concurrence. » Le potentiel, le modèle économique, la protection face à la concurrence, tout est là hier comme aujourd'hui.
Le potentiel d'abord. A l'époque de Napoléon III, il s'agissait d'apporter de l'eau salubre dans les foyers urbains. Aujourd'hui, il faut résoudre le casse-tête d'une planète dont la population a été multipliée par 4 en un siècle et qui migre massivement vers les villes : 10 % d'urbains en 1900, 50 % aujourd'hui, 70 % dans vingt ans. Une planète qui croule sous les déchets (voir Naples) s'assèche, la Californie et l'Australie manquent d'eau, et s'asphyxie avec les transports. A tous ces défis, Veolia apporte sa réponse : la concession de service public à une entreprise privée, bien plus efficace, et surtout qui ne coûte rien à la municipalité. La société privée signe avec la collectivité un contrat de vingt ans ou plus, construit les installations, les exploite avec un monopole sur sa zone, puis les transmet à la collectivité à l'échéance du contrat. C'est déjà par la finance qu'Henri Siméon avait converti Lyon et Nantes dès la création de la CGE, c'est par la finance que les villes d'aujourd'hui succombent aux charmes des concessionnaires français, comme Veolia mais aussi Suez Environnement (ex-Lyonnaise des Eaux, autre centenaire...) ou la SAUR.
Le modèle économique s'est perfectionné avec la sophistication croissante des équipements : usines de traitement de l'eau, de dessalement, de recyclage des déchets... La taille des communautés urbaines relève la barre des défis et impose des spécialistes pointus, des gestionnaires plus que des collecteurs-distributeurs.
Cette masse d'expérience cumulée, cette taille considérable, cette présence sur les quatre priorités des collectivités constituent autant de barrières à l'entrée.Elle permet aux présidents de Veolia, comme de Suez Environnement, de dialoguer directement avec le gouverneur de la Californie, le président chinois ou les maires de Chongqing ou Mexico (les deux plus grandes villes du monde). La compétence technologique croissante, par exemple pour le dessalement de l'eau de mer, et la gestion des hommes sont aussi des terrains d'expertise difficiles à atteindre, que ce soit par les municipalités ou par de nouveaux entrants. Henri Proglio assure que le principal facteur limitant de la croissance, hors crise, est la capacité à former et recruter les hommes. Avec 120.000 personnes en France, Veolia est déjà le premier employeur privé du pays. Cette conjonction d'un potentiel considérable, on estime que moins de 5 % des services d'eau dans le monde sont concédés au privé, et de fortes barrières à l'entrée assurent à ce métier des perspectives infinies et une croissance annuelle moyenne entre 6 et 10 % avec des marges opérationnelles du même ordre.
Et, pourtant, ce métier de concessionnaire de service public qui semble si solide et raisonnablement rémunérateur reste une curiosité française, du moins dans sa version expansionniste. Seuls Veolia et Suez Environnement se défient sur la planète pour décrocher des contrats d'eau ou de déchets. Et Veolia est le seul au monde à offrir une palette aussi large de services, avec l'énergie et les transports. Pourquoi cette exception > La faute à Napoléon III d'abord. Impressionné par ce qu'il avait vu à Londres, il a autorisé et encouragé ce métier. Il a permis aux deux français de financer leur expansion internationale un siècle plus tard grâce à leur « fromage » hexagonal.
Mais aussi parce que ce métier si particulier n'est pas exempt de risques. Il est gourmand en capitaux et en main-d'oeuvre, sensible aux effets de change et, dans une certaine mesure, à la conjoncture (pour l'activité industrielle), mais il est surtout culturellement et politiquement complexe à négocier et à gérer. C'est rarement de gaieté de coeur que les collectivités publiques acceptent de déléguer des tâches aussi fondamentales que l'eau. D'où le faible taux de privatisation du secteur. Chaque pays offre une situation très différente, complexe à décrypter, où les intérêts politiques sont étroitement imbriqués. Une élection à gagner, un bouc émissaire à trouver et c'est un beau contrat qui vacille car l'augmentation de tarif promise est interdite ou parfois le concessionnaire est carrément mis dehors, comme ce fut le cas pour Suez en Argentine. D'ailleurs, si Bertrand Delanoë, le maire de Paris, a récemment décidé que ses services allaient reprendre en direct la distribution de l'eau concédée à Veolia et Suez, il n'a pas été le premier à se méfier. Avant lui, Haussmann et Napoléon III, bien que favorables au système, ont finalement refusé de confier la gestion des eaux de Paris à la Générale des Eaux, qui a dû se rabattre sur Lyon. L'apprentissage de la politique de l'eau.