2008: une année de défis (Securibourse)

par JF @, samedi 05 janvier 2008, 08:34 (il y a 6164 jours)

Au menu, inflation, crise énergétique et faible croissance.

Nicolas Cori, Philippe Grangereau (à Washington), Christian Losson et Laureen Ortiz

LIBERATION: mercredi 2 janvier 2008


Après une année 2007 secouée par la crise des subprimes américaines, la flambée des matières premières (pétrole en tête) et le boom des pays émergents, notamment de la Chine et de l’Inde, 2008 s’annonce riche en coups de stress et en rebondissements. Passage en revue des petits et grands bouleversements qui nous attendent.


Les subprimes vont-elles faire exploser la planète finance >

Récession, risque systémique : le pire est toujours évoqué à propos de la triple crise de l’immobilier, du crédit et de la finance qui sape l’économie des Etats-Unis depuis le printemps. La «bad debt» («mauvaise dette»), comme disent les Américains, est tapie un peu partout dans le système et ne peut que grandir en 2008. En octobre, 16 % des 1 300 milliards de dollars de prêts hypothécaires subprimes, qui sont à l’origine de la crise, étaient en défaut de paiement. En 2008, près de la moitié de ces prêts vont à leur tour passer à des taux d’intérêts si élevés que la plupart des propriétaires ne pourront faire face, augmentant ainsi les défauts de paiements.

Aux Etats-Unis, cette débâcle a déjà eu des répercussions importantes sur le prix de l’immobilier - il a chuté de plus de 6 % en moyenne après une forte hausse les années précédentes -, sur la consommation, sur la solvabilité des détenteurs de cartes de crédit et surtout sur les banques d’affaires. Une quinzaine de géants de Wall Street, qui avaient imprudemment converti les hypothèques immobilières américaines en titres boursiers, ont annoncé des pertes faramineuses (14 milliards de dollars pour Citigroup, 8 milliards de dollars pour Merrill Lynch). Ces gouffres, qui ne peuvent que se creuser davantage en raison de l’accentuation des défauts de paiements attendus dans l’immobilier, ont pour l’heure été colmatés par la Chine, Singapour et des investisseurs des pays arabes qui ont racheté des parts, parfois importantes, de ces piliers de la finance américaine. Et cette crise continuera sûrement d’avoir des effets de ce côté-ci de l’Atlantique. D’abord par ricochet. Quand Wall Street s’enrhume, la Bourse de Paris, possédée en large partie par les fonds anglo-saxons, tousse. Mais aussi parce qu’il n’est pas impossible que de nouveaux cadavres apparaissent dans les placards. A l’image du Crédit agricole - qui a révélé récemment que la crise des subprimes allait lui coûter au moins 1,6 milliard d’euros -, la Société générale ou BNP Paribas ne sont pas à l’abri de nouvelles dépréciations de leur portefeuille d’actifs. Reste que les montants en jeu sont sans équivalent avec les pertes des banques américaines, et que les établissements français ont, pour l’instant, les épaules suffisamment larges pour supporter ces chocs.

L’énergie va-t-elle devenir un luxe >

Allez, un petit effort et on atteint les 100 dollars le baril de pétrole cette année ; on les dépasse, et on va vers les 200. En ce début 2008, les conditions ne sont pas vraiment réunies pour calmer les marchés de matières premières. La croissance de la Chine et de l’Inde, qui soutient la demande, n’est pas prête de s’arrêter. Comme le note l’Agence internationale de l’énergie, dans son étude annuelle, «l’évolution de la situation énergétique en Chine et en Inde est en train de transformer le système énergétique mondial sous l’effet de leurs tailles immenses et de leur poids grandissant dans les échanges internationaux de combustibles fossiles».

Une hausse de la demande peut être comblée par une augmentation de l’offre. L’Opep, le cartel des pays producteur d’or noir, organise une réunion extraordinaire pour le 1er février à Vienne. D’ores et déjà, le ministre algérien de l’Energie Chakib Khelil, qui présidera l’Opep les six prochains mois, a affirmé ne pas exclure une augmentation de la production. Mais cela aura-t-il la moindre influence > Pour beaucoup d’économistes, le niveau du baril a principalement été porté en 2007 par la spéculation des hedge funds (les fonds spéculatifs). «L’équilibre offre-demande est toujours très tendu, avec à peine plus de deux millions de baril par jour de capacité excédentaire, note Jacques Chaussard, du Crédit agricole. Mais la volatilité du marché est exploitée, et amplifiée, par les spéculateurs dont l’activité n’a jamais été aussi intense.» Pétrole cher ou pas, les énergies non fossiles devraient continuer à être tendance en 2008, préoccupation environnementale oblige. L’éolien est le premier concerné. Et les rares entreprises encore indépendantes risquent de faire l’objet de surenchères de la part des gros producteurs d’électricité. Sur la lancée de son grand retour en grâce de 2007, le nucléaire devrait aussi faire l’actualité. On attend pour 2008 ou 2009 des annonces de construction de centrales en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Le processus est lancé, il ne devrait pas s’arrêter.

L’inflation va-t-elle faire son retour >

Partout, les prix s’envolent. De l’Afrique du Sud (qui flirte avec les 8 %) au Japon (+ 0,4 % sur un an, un record en dix ans). L’inflation de la zone euro a atteint son plus haut niveau depuis six ans et demi: + 3,1 % en rythme annuel, selon Eurostat. La France a battu en novembre un record depuis trois ans : les prix de détail ont augmenté de 2,4 % sur l’année, selon l’Insee. Pire, en Allemagne, les prix ont progressé de 2,2 % en 2007. Dans ce pays traumatisé par l’hyperinflation des années 1920, le seuil symbolique des 2 % n’avait pas été dépassé depuis 1994. Outre-Atlantique, les prix de gros ont augmenté de 3,2 % en novembre, un record depuis 1973 ! Les prix à la consommation ont, eux, progressé de 0,8 % le même mois, hausse la plus forte depuis deux ans.

Sur toute la planète, la même mécanique est à l’œuvre : flambée des prix des matières premières, des denrées agricoles au pétrole. Blé, maïs, colza, lait… ont battu des records cette année. Dès la rentrée, ces hausses se sont répercutées sur les prix alimentaires. Ainsi, Danone France aura monté ses prix de 30 % au premier semestre 2008 par rapport à l’année précédente. Cette année, tout le monde sera suspendu au niveau des prix : les consommateurs inquiets de leur pouvoir d’achat, les investisseurs craignant une hausse des taux d’intérêt et, par là, une atrophie de l’activité économique, déjà mise à mal par la crise des subprimes. Cette hausse des matières premières pourrait passer pour une aubaine pour les agriculteurs et les pays en développement… sauf que la réalité de l’accès à la nourriture s’annonce plus périlleuse que jamais. La sécurité alimentaire est compromise par cette hausse sans précédent des cours des produits agricoles provoquée à la fois par des stocks mondiaux à leur plus bas niveau historique, des sécheresses et des inondations dues au changement climatique, les cours élevés du pétrole et la demande croissante de biocarburants. Un cocktail alarmant pour la FAO, l’agence de l’ONU pour l’agriculture et l’alimentation, qui estimait début décembre que 37 pays démunis sont affectés par la crise alimentaire…

La croissance va-t-elle dégringoler >

L’insolente expansion mondiale a du plomb dans l’aile. Au mieux, ça planera vers le bas pour tenter d’atterrir en douceur. Au pire, ça pourrait virer au krach. Pour se draper dans une vision optimiste, mieux vaut avaler quelques pilules roses. Car après une période sans précédent, le rythme de croissance annuel n’atteindra pas les 5 % de moyenne.

Les moteurs de la croissance se sont déplacés hors de nos frontières. Exit les Etats-Unis, l’Europe ou le Japon, qui ont passé le relais… Bienvenue au Bric (Brésil, Russie, Inde et Chine). Même pénalisés par le boom des matières premières et alimentaires, les grands pays émergents (contrairement aux plus démunis) devraient jouer les locos de la croissance, alimentés par une forte demande intérieure et une explosion de leurs exportations. Bémol : le degré d’implication des places financières, notamment asiatiques, dans la crise de subprimes, qui pourrait entraîner un resserrement des conditions de crédit. Et la surchauffe singulière de la bulle chinoise, qui, entre bourse-casino, inflation galopante, et crise énergétique, menace de voler en éclat. Une menace quand on sait qu’en 2007, l’Asie a pesé autant que les pays du Nord dans la création de richesses, soit 1800 milliards de dollars…

L’OCDE vient de revoir à la baisse les prévisions pour les pays du Nord, à 2,3 % de croissance contre 2,7 % auparavant. Les Etats-Unis sont pour l’instant crédités d’un 2 %. Mais des analystes estiment à 40 % les chances d’une récession. Le dollar pourrait continuer sa chute et les fonds souverains réduire leur exposition aux bons du trésor américains. Dans les pays développés, l’inflation a été de 3 % en 2007, et en 2008, la croissance ne sera pas là pour compenser. Pas plus que les salaires, pris dans l’étau de la concurrence mondiale. Et voilà que l’on ravive la menace de la stagflation (inflation + stagnation). Un spectre qui alimenterait le retour massif du chômage.


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