Nature des risques: quelques exemples (Securibourse)

par Graham ⌂ @, dimanche 29 juillet 2007, 16:58 (il y a 6322 jours)

J’initie une nouvelle file même si au départ je n’avais pour intention que d’ajouter à une remarque de BPR qui m’avait interpellé. En développant ma réponse, je me suis rendu compte que je traitais finalement un peu de la nature des menaces qui risquent d’affecter les marchés financiers ces prochains temps. Je livre mon opinion sans trop d’ordre. Il serait plaisant pour que chacun se fasse une opinion plus élargie que tous contribuent un peu au sujet en y livrant sa propre opinion.

BPR
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» On ne peut pas comparer le NIKKEI d'il y a quinze ans et le CAC en 2007.
» Après sa division par 4, le NIKEI était encore plus cher en terme de PER
» que le cac d'aujourd'hui.
»
» Par ailleurs, cela me gène toujours de comparer l'évolution du revenu par
» habitant et d'un indice boursier. Pour le faire il faudrait a minima que
» l'indice conserve la même composition.
» Mais même dans ce cas, il faut prendre en compte la consolidation
» progressive de l'économie aux mains des grands groupes composant cette
» indice. Quel rapport entre GE d'il y a 40 ans et GE d'aujourd'hui >
»
» Ceci dit, une forte correction arrivera un jour ou l'autre et
» effectiveemnt il sera facile de dire, je l'avais prédit. Mais depuis que
» je vois des prédiction dans ce sens (depuis 2005), le CAC a bien du
» prendre un bon 30 %.
» :-)

Réponse à BPR
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Cette remarque sur la comparaison du NIKKEI avec les autres grands indices est juste, BPR.
On ne peut pas aller indéfiniment à l'encontre des modèles de valorisation dominants sans risquer d'être en dehors du marché pour une période trop longue, ce qui nous exclue de la dynamique des marchés action et de leur bonne rentabilité capitalistique.
Nous vivons depuis près de 25 ans et plus particulièrement ces 15 dernières d'années dans une période favorable aux marchés action. Les modèles de valorisation s'ajustent en conséquence jusqu'à nous faire oublier les risques associés. Donc, on peut raisonnablement consentir à rester investi dans un marché qui valorise chèrement les sociétés si l'on reste convaincu avec relative certitude que celles-ci demeureront bien orientées à horizon long dans un environnement macroéconomique favorable. Mais il faut toujours avoir à l'esprit le risque corrélatif, à savoir que les modèles de valorisation pourraient changer et redevenir bien plus prudents et exigeants, au besoin être capable de les pressentir et d'en sortir rapidement si la situation changeait. Or ce n'est guère l'environnement qui change mais la perception des risques par les acteurs économiques qui évoluent rapidement actuellement. C'est suffisant. Certes les bilans des sociétés sont considérablement assainis et les perspectives sont très favorables. Mais les déséquilibres macroéconomiques sont dangereux et de nature à altérer durablement la mécanique en fonction. Bien évidement, cet alarme risque une fois encore d’être à contre tempo. On sait tous que les variations de cours sont brusques et que si ces prévisions alarmistes ne se réalisaient pas, les cours retrouvaient rapidement leur niveau d’avant la correction. J’interroge : quelques pourcents gagnés valent-ils le risque pris > Pour ma part, je réponds par la négative. Ce qui ne signifie pas qu’il faut rester en dehors du marché mais essayer autant que possible de s’en décorréler. Comment y parvient-on > En ne choisissant que des titres dont les niveaux sont bas en rapport avec une prudente projection de leurs affaires à seulement moyen terme et qui présentent une marge de sécurité suffisante. J’ai cité dans un autre message les exemples de L’Oréal, d’Air Liquide et de Saint-Gobain. Ils sont révélateurs. Si l’on prend le cas de L’Oréal : sa croissance du BNPA ne dépasse guère 10% depuis quelques années et son rendement des fonds propres est d’environ 15%. Sachant que sa croissance maintenue à deux chiffres est pour une bonne part artificielle (rachat de titres chers – ce qui va à l’encontre des intérêts des actionnaires, un dividende plus conséquent eut mieux convenu), une valorisation à un PER de 25 est très cher. Cela fait un taux de capitalisation de 4% alors que les taux des obligations de long terme, sensées être moins risquées, ont un rendement supérieur, de plus orientées à la hausse. Cela signifie que l’on appréhende comme une certitude une croissance forte de la société sur de nouveaux marchés, les asiatiques et que l’on suppose que ces derniers seront capables dans l’avenir d’élever leurs revenus pour absorber la croissance escomptée de la société. C’est aller vite en besogne et faire preuve d’un optimisme confiant. Avec un PER de 25 et une croissance de 10% par an, on se projette sur 15 ans, c’est loin, trop loin. Une quelconque autre société aux mêmes caractéristiques n’aurait été valorisée que sur la base d’un PER de 14-15 il y a seulement 10 ans. Mais non, avec L’Oréal, on se fonde sur la croissance passée, qui était bien supérieure, et sur le ratio de valorisation dont elle est affectée depuis une quinzaine d’années, c'est-à-dire un ratio qui convient à un marché cher pour projeter avec beaucoup d’imprudence sur ce qu’elle vaudrait aujourd’hui. Même cas pour l’Air Liquide : une croissance superbement régulière depuis 25 ans et des perspectives toujours très favorables. Oui mais, Air Liquide n’a guère changé de nature depuis 7 ans. Ni ses marchés, ni son taux de croissance, ni guère ses marges. Mais Air Liquide est valorisée aujourd’hui à un PER supérieur à 20 quand en 2000 avant le retournement des marchés et avec des caractéristiques très similaires elle n’était valorisée qu’environ 14 fois. D’où vient cette différence > D’un fléchissement de la perception du risque et d’un optimisme des marchés financiers. Saint-Gobain : c’est à peut près pareil. Saint-Gobain en 2000 avait un PER inférieur à 10. Certes Saint-Gobain a très bien muté. D’une société au cœur d’activités très cyclique, elle s’est transformée progressivement en société relativement acyclique avec des marges supérieures. Mais cela vaut-il de passer à un PER d’environ 17 quand le rendement du capital n’est jamais guère supérieur à 12%. Je ne le crois pas. On pourrait prendre bien d’autres exemples et citer la quantité de valeurs moyennes qui s’échangent à des taux de capitalisation d’à peine 6,5%. Quelques soient leur croissance récente et leur profitabilité exceptionnelle, ce n’est faire aucun cas du risque à long terme qui entoure ces sociétés, bien plus fragiles en cas seulement de ralentissement de l’économie mondiale, et prendre un pari bien osé de les valoriser à peine moins que les taux sans risque aujourd’hui et sans doute plus que les taux sans risque à horizon de cinq ans. Et je ne dis jamais cela qu’en choisissant précisément pour la circonstance des sociétés bien gérées et irréprochables, qui ont des bénéfices consistants et des perspectives assez sûres pour bien mettre en évidence les excès que l’on peut rencontrer sur maintes sociétés aux caractéristiques pour le moins plus inconsistantes et évanescentes et dont la valorisation ne tient que par un espoir irréaliste que rien ne justifie et l’on devinera bien encore de qui et de quoi je veux parler : de toute cette folie que l’on voit sur certaines valeurs encore en haut des classements de performance et de tout ceux qui les recommandent. Et ce ne sont jamais que quelques uns de ceux qui sont placés bien haut dans les classements de sites comme securibourse ou boursematch, emportés par un vent d’euphorie provisoirement favorable.
Bref tout cela pour dire qu’aujourd’hui pris globalement le marché est chèrement valorisé, qu’il ne prend qu’insuffisamment en compte les déséquilibres macroéconomiques existants et les risques qui les ensuivent. Certains diront que les marchés sont valorisés raisonnablement. C’est faux. Mes exemples suffisent pour en attester. Il suffit, par exemple, pour l’indice de la place parisienne de se persuader qu’il est réduit uniquement par la pondération importante des valeurs financières et de Total. Sans cela, il serait élevé. Or Total encoure les risques sur le pétrole et la monnaie américaine qui sont quasiment impossible à anticiper. Et les valeurs financières sont exposées à l’important risque de marché. On se représente bien ce que ferait le cours d’Axa, par exemple, si le marché action plongeait, il plongerait plus encore, comme il a déjà commencé à le faire et comme il l’a déjà fait en 2002-2003.
Faut-il pour autant rester en dehors du marché > Certes non. Le risque est accru seulement. Mais un risque n’est jamais qu’une menace et une menace ne se réalise pas nécessairement. D’où la justesse de la remarque de BPR. Mais dans le fond, quel est-il vraiment ce risque > Bien entendu, il y a d’abord tous les risques macroéconomiques que l’on nous rabâche depuis pas mal de temps. Mais bon, rien ne permet d’anticiper avec certitude que de tels déséquilibres suffiront à mettre à bas le modèle capitalistique de la planète. Au plus sans doute, une correction ou une légère inflexion récessive de quelques petites années. Le risque principal me parait ailleurs. Il me semble dépendre de la perception accrue des dangers par la multitude d’agents aux passions exacerbées dans un environnement économique plus tendu (risque concernant le crédit et hausse des taux, endettement pharaonique d’une partie des pays occidentaux et surendettement des ménages américains, inflation des actifs et matières premières, etc). L’altération de la perception du risque pourrait conduire à modifier les modèles de valorisation des actifs pour les adapter à la nature des menaces. Ce serait faire preuve de rationalité. Cela ne signifie pas que cette hypothèse pour autant se réalisera. Tout dépend en dernière instance de la psychologie des foules. Mais la réalisation d’un tel scénario pourrait conduire les places européennes et américaines à une correction de 30% à 40%. Et ce qu’il en surviendrait après, je suis bien incapable de le dire. Dans tous les cas, une telle correction ne serait jamais que revenir à des niveaux de valorisation prégnants dans le passé. Si le risque est possible, il n’est jamais certain. Le seul moyen de s’en prémunir sans sortir du marché est d’être plus exigeant en terme de valorisation, quitte à perdre en rentabilité. Ce qui revient à se contenter d’une rentabilité moyenne pour un niveau de risque atténué. Mais de cela encore, ce n’est jamais que question de personnalité et de niveau de risque que l’on veut bien consentir à assumer. A ce titre, des méthodes de sélection comme fait par exemple Hubisan, ou plus sévèrement encore comme font Tindille, Chris et Hervé pour ceux que je connais un peu conviennent. Même s’il ne faut pas trop attendre des sociétés décotées et rester également prudents car même celles-ci sont actuellement et en rapport au passé aussi trop valorisées.
Quant à moi, si mon succès sur Acadomia m’a fait être un peu plus léger dans mes sélections récentes et être moins exigeant en matière de valorisation, la prise de conscience des risques existants, mis en perspectives par la correction de la semaine dernière, m’a incliné à admettre que j’avais fait une succession d’erreurs par entraînement euphorique, pas forcément dans mes choix mais assurément par rapport à ma stratégie d’investissement habituelle qui vise à allier potentiel de gain modéré et sérénité.
Je préfère rester en partie liquide provisoirement pour éventuellement tirer profit d’opportunités qui se présenteraient si la correction se confirmait et engendait des sanctions excessives à la baisse.

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