Fin du commencement ou commencement de la fin ?(Oddo) (Securibourse)
Jean Borjeix est Consultant pour Oddo et Cie. Les documents publiés nengagent pas la société Oddo et Cie.
Vendredi 06 juillet 2007
Analyse de marché
Fin du commencement ou commencement de la fin >
Les marchés entrent-ils dans une phase de progression durable décisive ou jettent-ils leurs derniers feux, après une période de hausse de plus de 4 ans >
Les éléments dappréciation contradictoires qui expliquent les changements brutaux de direction des marchés ne manquent pas.
Un cycle haussier durable dans une analyse à long terme de type Kondratieff.
Lémergence des économies des pays dAsie du Sud Est apporte à la croissance mondiale un surcroît de quelques points que léconomie occidentale, seule, naurait pu générer. Cet acquis se diffuse en partie sur les activités des pays occidentaux fournisseurs de produits de base, de technologies et de services, déjà prêts à être livrés aux pays asiatiques. Les ventes de ces produits et services apportent quelques points de croissance à léconomie occidentale et bénéficie à des secteurs traditionnels qui avaient été oubliés au cours des années folles de la technologie. Juste retour des choses qui profite aux secteurs des matières premières, des biens déquipement,
de la construction ou de certains biens de consommation de base comme lautomobile. Ce descriptif du monde économique des années 2000 na rien doriginal. La montée en puissance de la Chine et de lInde était attendue depuis des années et se concrétise aujourdhui. Très facile à percevoir par le public et les professionnels ce schéma de croissance bénéficie dune adhésion
générale. Par ailleurs, il a commencé à se traduire dans lévolution des indices qui avaient été jusque-là très attentistes comme lindice composite de Shanghai ou le Sensex de Bombay. A priori, les marchés, y compris ceux des pays développés, devraient continuer à participer à la fête, notamment Tokyo.
Pour autant, le phénomène a-t-il limportance que les investisseurs lui donnent > Les pays développés représentent, selon les statistiques du
FMI comme celles de la Banque mondiale, quelque 70% de léconomie mondiale, dont près de 30% pour les seuls États-Unis. Les BRIC ne représentent pour lheure que 12 à 13% de lensemble du PIB mondial.
Surtout, pour ne considérer que la Chine, les déficits cumulés de lEurope et des États-Unis vis-à-vis de ce pays représentent de 15 à 20% de son PIB et impactent dautant sa croissance.
À lopposé, 1% de croissance en moins de léconomie américaine représente directement 0.3% de la croissance mondiale et pèse sans doute autour de 0.5% par ses effets dentraînement décalés dans le temps sur les pays
exportateurs.
Ainsi, même si elle pèse de plus en plus lourd dans la croissance mondiale, la croissance des pays émergents est très surestimée dans son autonomie et
dans son impact actuel. Il serait donc illusoire de croire que le relais des pays émergents pourra compenser intégralement la poursuite du ralentissement aux États-Unis et encore moins une éventuelle récession.
Par ailleurs, phénomène classique, les perspectives de ces pays sont tellement lisibles que les marchés ont tendance a les surévaluer ainsi que les actifs qui les sous-tendent. Cest la raison pour laquelle les autorités chinoises et indiennes multiplient les avertissements et menacent de durcir leur politique monétaire.
Autrement dit, le démarrage de lexpansion des pays émergents demande une pause, quelle vienne spontanément du ralentissement américain ou quelle
vienne du durcissement de la politique des autorités monétaires locales.
En somme, la fin du commencement.
Pour léconomie américaine > Cest plutôt le commencement de la fin dun cycle.
Rappel des données évoquées à plusieurs reprises lors des derniers mois.
1. Les marges des sociétés américaines ont, a priori, enregistré leur plus haut niveau au 3ème trimestre 2006 et commencent à baisser alors que la
pression des salaires dans un environnement de plein emploi devrait continuer à peser sur elles.
Laffaiblissement des marges dure généralement de 2 à 3 ans, même si "cette fois-ci", comme semblent le penser les marchés, cest différent et les marges résisteront mieux. Mais, dans les phases de cycle économique semblables à la phase actuelle, la résistance des marges sappuie généralement sur des hausses de prix. La FED la rappelé à plusieurs reprises, et plus récemment, la commission
européenne a fait la même analyse pour lEurope.
2. Dans un contexte de baisse des marges, la progression des bénéfices dépend exclusivement de la progression de la valeur ajoutée qui dépend elle-même de la "top line" et de lévolution des coûts intermédiaires. Désormais, le premier indicateur de la croissance des bénéfices est la progression du PIB (somme des valeurs ajoutées des entreprises).
Analyse de marché
3. Celle-ci semble plus problématique depuis le second semestre 2006 et devrait a priori freiner la croissance des bénéfices 2007 et probablement
2008. Les estimations de la croissance des bénéfices 2007 et 2008 par le consensus ont fait effectivement lobjet de révisions à la baisse aux
États-Unis. Mais aussi en Europe, pour les mêmes raisons de fond et à cause de la baisse du dollar.
4. Si les marchés se maintiennent près de leur plus haut, cest que les taux de capitalisation des bénéfices montent alors que lenvironnement est
beaucoup plus fragile dans cette période de baisse des marges.
La situation des pays développés sinscrit en effet dans une situation de "squeeze" entre un ralentissement économique qui dispenserait dun nouveau
resserrement monétaire mais impacterait nettement les résultats à la baisse et une reprise trop rapide de léconomie qui réveillerait linflation à travers les hausses de salaires comme lont souligné la FED et la Commission européenne et nécessiterait un nouveau resserrement monétaire.
En somme, le "commencement de la fin" du cycle.
Conclusion : malgré laffaiblissement de la croissance aux États-Unis, les indices ont progressé à lunisson au cours des 2 derniers trimestres 2006
et en début 2007, dans lespoir dune baisse des taux directeurs qui ne sest jamais concrétisée. Pourtant, les baisses de taux directeurs ne se sont jamais
produites dans le passé avant la remontée du chômage. Or, depuis le début du cycle en cours, les chiffres de lemploi ne se sont jamais dégradés.
Ce sont les bons indicateurs dactivité qui semblent désormais prendre le relais de la baisse des taux comme moteur de la hausse des indices. Mais, sils se confirment, ils pourraient tendre le marché de lemploi et entraîner une hausse des coûts salariaux unitaires. Dans ce cas, la FED pourrait reprendre sa politique de hausse des taux directeurs et rejoindrait la BCE dans ce mouvement de hausse.
Enfin, la hausse des taux de capitalisation qui sinscrit dans la vision dune croissance mondiale solide et durable dans un environnement de taux bas risque dêtre contrée par la surchauffe financière en Asie du Sud Est et par les tensions observées sur le marché de lemploi aux États-Unis.
Sans compter lempilement de dettes contractées par les acteurs des fusions acquisitions rendus euphoriques par les perspectives mondiales.
Lavenir est certainement porteur mais, dans limmédiat, il semble que la pause simpose.
Ce flash est le dernier rédigé dans le cadre du contrat passé entre JFB Analyses et Oddo et Cie en mars 2005.
J'aurai l'occasion de poursuivre l'analyse du comportement des marchés à travers une approche "globale" dans le
cadre de la société JFB analyses et de la société Platinium Gestion.
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Tant que ce n'est pas la fin des haricots, voire la fin de tout...