Secteur français de l'énergie (Securibourse)

par chris, lundi 16 avril 2007, 10:19 (il y a 6426 jours)

Présidentielle : une échéance lourde d'incertitudes pour les acteurs français de l'énergie
[Les Echos 16/04/07 ]

Au-delà des réticences suscitées par le projet de fusion entre Suez et Gaz de France, les autres grands noms du secteur se demandent quel sort leur sera réservé au lendemain des élections. En attendant de connaître le nom du prochain président de la République, tous les scénarios semblent possibles, toutes les recompositions imaginables.
A six jours du premier tour de l'élection présidentielle, le sentiment dominant chez les grands noms du secteur énergétique est que les prochains mois seront riches en rebondissements, mais que, pour l'heure, tout reste à écrire. Le choix du futur chef de l'Etat aura une influence déterminante sur le paysage. Dans chaque camp, des scénarios radicalement différents sont à l'étude. De la fusion Suez-GDF à la constitution d'un grand pôle public de l'énergie, sans oublier une possible redistribution des cartes au sein de la filière nucléaire, bien des variantes existent et toutes les recompositions paraissent aujourd'hui imaginables...

• Suez-GDF. Ce sera l'un des premiers gros dossiers à traiter pour le prochain gouvernement. Officiellement, la fusion des deux entreprises reste à l'ordre du jour, et l'objectif est de la concrétiser dès l'ouverture totale des marchés de l'énergie à la concurrence, le 1er juillet. Mais le décret de privatisation de Gaz de France, préalable indispensable à son rapprochement avec Suez, n'a toujours pas été signé, et l'opération est loin de faire l'unanimité. La gauche y est farouchement opposée. La majorité sortante apparaît plus que divisée sur le sujet. Nicolas Sarkozy a semé le doute sur ses intentions en évoquant récemment d'autres mariages possibles pour le gazier tricolore, comme une alliance avec la compagnie algérienne Sonatrach.

En attendant, Suez et GDF s'efforcent de « rester en mouvement ». Le groupe franco-belge vient de lancer une offre sur le distributeur d'eau barcelonais Agbar, démontrant son attachement aux métiers de l'environnement. L'opérateur public vient d'annoncer une réorganisation et se projette vers l'avenir : ses cadres dirigeants doivent se retrouver cette semaine en séminaire pour imaginer ce que pourraient être les « nouveaux territoires » de l'entreprise, qu'il s'agisse de son internationalisation hors d'Europe, de son développement dans les énergies renouvelables ou des éventuelles acquisitions à effectuer.

• EDF. Spectateur de la fusion Suez-GDF et des autres rapprochements à l'oeuvre dans l'Europe de l'énergie, l'électricien tricolore pourrait bien devenir le principal acteur des recompositions à venir en cas de victoire de François Bayrou ou de Ségolène Royal, qui prônent l'abandon du projet de fusion et la constitution d'un grand champion français de l'électricité et du gaz sous contrôle public. Dans l'entourage de la candidate socialiste, certains vont même jusqu'à défendre la création d'un holding Energie de France, détenu à 100 % par l'Etat, qui chapeauterait l'ensemble des activités électriques et gazières. Dans cette hypothèse, les réseaux de transport et de distribution de Gaz de France seraient rattachés à RTE, au sein d'une filiale dédiée aux activités régulées, ce qui reviendrait à démanteler le gazier français.

• Areva. Une double incertitude plane aujourd'hui sur le leader mondial du nucléaire. Beaucoup s'interrogent en premier lieu sur le sort de sa patronne, Anne Lauvergeon, qu'une victoire de Nicolas Sarkozy pourrait propulser, selon certaines rumeurs, à Bercy ou à la présidence d'EDF. Plus généralement, les contours mêmes d'Areva sont susceptibles d'évoluer au cours des prochains mois. On connaît les ambitions de Bouygues et d'Alstom, qui rêvent de marier leurs activités avec celles de l'ex-Framatome. Plusieurs scénarios peuvent être imaginés pour aboutir à ce résultat : une ouverture plus grande du capital d'Areva pour laisser entrer ces partenaires privés au tour de table ; ou le découpage pur et simple de l'entreprise entre un pôle public protégeant les activités « sensibles » de l'ex-Cogema (mines, traitement, recyclage), et un privé englobant tout ce qui touche à la construction de centrales.

• Total. Les prochaines échéances électorales ne seront pas neutres non plus pour la plus grosse capitalisation boursière française. Non pas qu'elle ait à craindre une renationalisation, comme l'a proposé vendredi José Bové, mais parce que son sort intéresse au plus haut point les principaux candidats, en particulier Nicolas Sarkozy. Selon certaines sources, l'ex-ministre de l'Intérieur s'interroge ces temps-ci sur la meilleure façon de mettre le pétrolier tricolore à l'abri d'une OPA hostile. S'il était élu, l'un des schémas envisagés consisterait à rapprocher Total de GDF, option qui aurait le mérite de faire grossir l'entreprise, mais ne répondrait pas forcément à ses attentes profondes.

Plus surprenante, une autre piste est semble-t-il explorée par le camp sarkozyste qui reviendrait à lui confier les activités de l'ex-Cogema. Les promoteurs de ce scénario y voient trois avantages : rendre Total « intouchable » en lui permettant de mettre la main sur un maillon essentiel de la filière nucléaire française ; préparer « l'après-pétrole » en le laissant prendre pied dans le nucléaire, ambition clairement affichée par son nouveau directeur général, Christophe de Margerie ; mais aussi, et enfin, sortir ces activités sensibles d'Areva. Une façon de préparer le terrain pour un rapprochement avec le duo Bouygues-Alstom.

PASCAL POGAM

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