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JDF et les spiritueux (BVD entre autres) (Securibourse)

par mareva @, Barjac, vendredi 06 avril 2007, 09:44 (il y a 6435 jours)

LE JOURNAL DES FINANCES - N° 6227 - 06/04/2007- PAGE 10
Dossier
Spiritueux
Jouez la consolidation dans les spiritueux
Mise en vente de la vodka Absolut, course à la taille critique, spéculations sur Rémy Cointreau... le secteur des spiritueux est régulièrement sous les feux de l'actualité. Le groupe français Pernod Ricard a réussi coup sur coup à s'emparer de deux des plus belles affaires du secteur, Seagram et Allied Domecq, et talonne désormais le leader mondial, Diageo. A côté des deux grands, une multitude de petits acteurs tentent, à coups d'acquisitions ou de lancements de nouveaux produits, de conquérir des parts de ce juteux marché.
Dossier réalisé par Laure Burrus et Catherine Rekik

Dans quelques mois, le gouvernement suédois devrait privatiser Vin & Spirit, connu pour sa célèbre marque de vodka Absolut. Les conditions de vente ne sont pas encore connues, mais de nombreux candidats ont déjà manifesté leur intérêt : les deux leaders mondiaux du secteur, Diageo et Pernod Ricard, mais aussi Bacardi et Brown Forman seraient sur les rangs.

A l'annonce de leur candidature, Diageo et Pernod Ricard ont vu leurs cours se replier. Il est vrai que le montant avancé pour remporter la mise a de quoi donner le vertige. Pour s'offrir cette marque, l'acquéreur potentiel devra débourser entre 4 et 4,5 milliards d'euros ! Soit plus de dix fois son chiffre d'affaires et vingt fois ses résultats. On assiste ainsi à une véritable escalade des prix dans le secteur. En 2001, le britannique Allied Domecq avait acquis la liqueur à base de rhum Malibu pour 795 millions d'euros. Trois ans après, c'est au tour de Bacardi de s'offrir la vodka Grey Goose, lancée en 1997, pour un montant de 1,6 milliard d'euros, et, l'été dernier, l'américain Brown Forman a repris la tequila Herradura sur la base d'un multiple de 28 fois le résultat brut d'exploitation.

La vente d'Absolut devrait inscrire un nouveau record : 4,5 milliards pour une marque, alors que Pernod Ricard a déboursé 10,7 milliards d'euros pour acquérir le portefeuille d'Allied Domecq et récupérer ainsi pas moins de cinq grandes marques mondiales.

La rareté fait flamber les prix dans le secteur

Pourquoi donc un tel engouement pour la marque Absolut > Parce que sur un marché des spiritueux relativement atone - la croissance mondiale en volume atteint à peine 1 % par an - le segment de la vodka est un des plus dynamiques. On estime que la consommation de ce spiritueux devrait connaître une progression d'environ 11 % entre 2003 et 2008. Avec plus de 9 millions de caisses (9 litres) vendues chaque année, Absolut, qui a affiché une croissance de 7 % en volume en 2006, est la deuxième vodka premium la plus consommée dans le monde, après Smirnoff, propriété de Diageo.

La fameuse bouteille est bien implantée aux Etats-Unis, le marché le plus important pour les spiritueux, et pour la vodka en particulier. C'est dire l'importance de cette marque pour les acteurs du secteur.

L'opportunité d'acquérir une grand nom est rare, et les lancements de nouveaux produits sont parfois hasardeux, même si l'on compte quelques succès, comme la vodka Grey Goose, produite en Charente, qui s'est imposée en quelques années outre-Atlantique avant d'être reprise par Bacardi. Et puis, surtout, Absolut est une marque premium, et tous les groupes de spiritueux affichent désormais une stratégie clairement orientée vers une montée en gamme de leurs portefeuilles de produits.

Il semble peu probable, pour des raisons de monopole de marché, que Diageo puisse faire tomber dans son escarcelle la vodka suédoise. Le leader mondial du secteur affirme cependant que Smirnoff et Absolut ne sont pas positionnées sur le même segment, la première étant plus haut de gamme. Le deuxième prétendant pourrait, quant à lui, avoir un problème de timing. En effet, Pernod Ricard négocie en parallèle la reprise de la marque Stolichnaya avec la société russe SPI et l'entreprise d'Etat FKP.

Vendue comme l'« unique vodka russe », Stolichnaya est numéro trois sur le marché, avec un volume de 2,6 millions de caisses. Le groupe français en détient les droits de distribution à l'international depuis deux ans, mais ne récupère que la moitié des profits dégagés par cette marque. Le prix de cette vodka russe est apprécié entre 1,5 et 2 milliards. L'opération inquiète les marchés financiers, qui estiment que Pernod Ricard n'a pas encore digéré le rachat d'Allied Domecq sur le plan financier. Mais le groupe peut difficilement manquer cette occasion de se renforcer sur le marché américain, où, bien que numéro deux mondial, il n'occupe que la cinquième place.

Le réseau de distribution constitue le nerf de la guerre

Tous les groupes de spiritueux ont pour politique de monter en gamme leurs produits. Dopé par l'éclosion d'une nouvelle clientèle ayant un pouvoir d'achat élevé dans les pays émergents, le segment premium (dont le prix de vente à l'unité est supérieur à 20 dollars), voire super-premium, enregistre une croissance annuelle de 6 à 8 %. Ces produits offrent également des marges confortables. Si le groupe LVMH possède le portefeuille de marques le plus prestigieux du secteur vins et spiritueux, Pernod Ricard revendique la place de leader mondial sur le segment premium.

Le groupe multiplie les lancements de produits, tels que le Chivas 18 ans d'âge, le cognac Martell Création Grand Extra ou les cuvées spéciales dans les champagnes. Dans le rhum, un des segments de marché les plus performants, avec une croissance supérieure à 6 % en 2006, Pernod Ricard capitalise sur sa marque Havana Club. Environ 50 millions d'euros ont été investis récemment dans la construction d'une nouvelle rhumerie près de La Havane, où seront produits les rhums vieillis.

Un vieux rhum, né de l'assemblage des plus anciennes cuvées en réserve, s'est vendu 1.500 euros la bouteille de 50 cl, et les 500 bouteilles numérotées ont rapidement trouvé preneur.

De son côté, Rémy Cointreau ne compte dans son portefeuille que des marques de luxe, notamment Rémy Martin, deuxième cognac le plus vendu dans le monde après Hennessy.

Mais il ne suffit pas d'avoir de belles marques, il faut aussi disposer du réseau adapté pour les commercialiser. Et, là encore, Pernod Ricard se distingue de ses concurrents, puisqu'il assure en propre la distribution de ses produits à travers 70 filiales dans le monde.

Les acteurs de taille plus modeste comme Rémy Cointreau, Beam ou Brown Forman, mais aussi des grands groupes comme LVMH sont contraints de s'associer à un ou plusieurs acteurs pour diffuser leurs marques. Ils tendent cependant de plus en plus à constituer leurs propres réseaux. LVMH est ainsi moins dépendant que par le passé de Diageo, et Rémy Cointreau a annoncé fin 2006 son intention de sortir du réseau Maxxium, dans lequel il était associé à l'américain Fortune Brands, au suédois Vin & Spirit et à l'écossais Edrington.

La direction du groupe charentais a estimé que les 240 millions d'euros de pénalités étaient le prix à payer pour reprendre sa liberté et avoir ses propres forces commerciales sur des marchés à fort potentiel comme la Chine, Singapour et le Vietnam. Dans le reste du monde, le producteur de cognac devra nouer des partenariats avec des distributeurs locaux. Doit-on pour autant en déduire que Rémy Cointreau est à vendre > Oui, si l'on en croit les marchés financiers et l'envolée du cours depuis un an (+ 23%). Malgré des niveaux de valorisation très élevés, le groupe pourrait intéresser Bacardi ou Brown Forman.

Mais c'est Diageo qui est le plus souvent cité comme possible repreneur. En effet, le leader mondial du secteur ne possède pas de marque de cognac ou de champagne, mais il assure la distribution de Möet Hennessy, dont il est actionnaire à hauteur de 34 %, dans certains pays. Affaire à suivre... mais la consolidation du secteur est loin d'être terminée.



Diageo : le groupe britannique lorgne le cognac Rémy Martin


Avec une marge opérationnelle de 28,2 %, le leader mondial est le plus rentable des groupes de spiritueux cotés en Bourse.

A l'instar de ses concurrents, Diageo a mis en place une stratégie de montée en gamme de ses produits. Il compte dans son portefeuille cinq des dix premières marques mondiales de spiritueux (Smirnoff, Johnnie Walker, Captain Morgan, Baileys et J&B). Mais il bénéficie surtout d'une place de numéro un aux Etats-Unis, le premier marché des spiritueux en valeur. Dans la course aux acquisitions, Diageo joue parfois les trouble-fête. Lors du rachat d'Allied Domecq par Pernod Ricard en 2005, le britannique avait laissé planer le doute sur une possible alliance avec des groupes américains pour lancer une contre-offre sur Allied Domecq. Ce qui avait abouti à un accord avec Pernod Ricard, contraint de lui céder des marques de whisky et de vin. Par ailleurs, outre sa situation financière un peu tendue - l'endettement net représentait 1,5 fois les fonds propres à fin décembre 2006 -, Diageo est limité dans ses opérations de croissance externe par ses positions dominantes dans certains pays et sur certains segments de marché.

Il doit encore faire ses preuves en Asie, laquelle absorbe près de la moitié de la consommation mondiale de spiritueux. La société est encore peu présente en Chine, bien qu'elle ait pris, fin 2006, 43 % du capital de Quanxing Group, holding d'un fabricant chinois d'alcool de riz. L'acquisition de Rémy Cointreau serait pertinente à tout point de vue, puisqu'elle lui permettrait d'acquérir une marque de cognac et d'accroître ses parts de marché en Chine. Reste à savoir si Diageo est prêt à surpayer sa cible. Certains analystes financiers avancent que le groupe pourrait céder sa participation de 34 % dans le capital de Möet & Hennessy, estimée à plus de 3 milliards d'euros, pour financer une telle opération.


Pernod Ricard : de belles perspectives liées à la revalorisation des marques


Après Seagram en 2000 et Allied Domecq en 2005, force est de constater que le groupe français ne manque pas d'audace. Il a, à deux reprises, acquis des concurrents deux fois plus gros que lui en termes de chiffre d'affaires. Ces opérations ont été plébiscitées par les marchés financiers. Chaque fois, le groupe de spiritueux a fait tomber dans son escarcelle de « belles endormies ». La relance de certaines marques d'Allied Domecq (Ballantine's, Malibu, Beefeater, etc.) et le renforcement de ses positions dans le haut de gamme devraient lui permettre d'afficher une belle croissance dans les années à venir. Au cours du premier semestre de l'exercice 2006/2007, qui sera clos le 30 juin, la direction a dévoilé un chiffre d'affaires en progression de 7,3 % et revu à la hausse ses prévisions de croissance annuelle, comprise entre 6 et 8 %. Dans le même temps, malgré l'évolution défavorable des devises par rapport à l'euro, la marge opérationnelle du groupe est passée de 23,5 % à 25,3 %. Les belles perspectives de Pernod Ricard, qui anticipe une hausse de 20 % de son bénéfice net courant cette année, n'ont pas échappé à l'oeil averti du financier Albert Frère. Début mars, ce dernier a déclaré avoir franchi en hausse le seuil de 5 % du capital de la société. Il est vrai que, s'il souffre encore d'un problème de taille aux Etats-Unis, le groupe marseillais est bien placé pour profiter du dynamisme de la région Asie. En Chine, où sa part de marché atteint 40 %, il dispose de deux atouts : ses marques de cognac Martell et ses whiskies Chivas et Royal Salute, qui sont des produits très prisés des consommateurs locaux. Enfin, la reprise de la marque de vodka russe Stolichnaya serait une bonne nouvelle sur le plan tant stratégique que financier, les investisseurs craignant qu'une surenchère sur la marque Absolut ne dégrade sérieusement les ratios financiers du groupe.


Belvédère : une politique de croissance externe soutenue


Introduit sur le Nouveau Marché en 1997, le producteur des marques de vodka polonaises Belvédère et Chopin a connu un parcours boursier mouvementé.

Belvédère ne se portait pas trop mal jusqu'à ce que la société entre en conflit avec son importateur américain, Philips Millenium, en 1998. L'affaire, très compliquée sur le plan juridique, a fini par se dénouer, mais à quel prix ! Le groupe a perdu la propriété de sa marque phare au profit de Philips Millenium, qui l'a ensuite revendue... à LVMH. Belvédère a toutefois obtenu des compensations financières qui lui ont permis de renouer avec les profits, alors que le marché de la vodka en Pologne subissait un sérieux revers.

Contre toute attente, le groupe a connu une seconde vie. Les bonnes fées n'existent pas que dans les contes, et Belvédère a été sauvé en 2002 par la prise de participation à hauteur de 20 % de son capital de CL Financial, un conglomérat basé à Trinité-et-Tobago. Depuis, grâce au soutien financier de son nouvel actionnaire de référence, Belvédère se développe à grands coups d'acquisitions.

En mai 2006, le groupe lance une OPA sur la société Marie Brizard, attiré par les 483 millions de chiffre d'affaires du groupe bordelais et par son portefeuille de produits.

En décembre 2006, la société dirigée par Jacques Rouvroy a récidivé en s'emparant de deux distributeurs en Pologne. Belvédère est très présent en Europe de l'Est, où il a réalisé 24 % de son chiffre d'affaires 2006. En février 2007, le groupe bourguignon a racheté deux distilleries aux Etats-Unis pour mieux profiter de la croissance sur ce marché porteur. Il veut poursuivre sa politique de croissance externe dynamique, mais il devra toutefois marquer une pause, sa dette représentant trois fois notre estimation de fonds propres à fin décembre 2006.


Rémy Cointreau : un positionnement luxe qui suscite des convoitises


Ce ne sont certainement pas les performances opérationnelles de la société qui expliquent le remarquable parcours boursier de Rémy Cointreau depuis deux ans.

Dans un secteur en pleine consolidation, le groupe charentais apparaît comme une proie de choix. Et avec l'annonce, début décembre 2006, de son intention de quitter le réseau Maxxium, la direction a relancé les spéculations. Certains ont voulu y voir un désir d'indépendance qui serait la première étape vers un rapprochement avec un autre acteur du secteur.

On peut penser que le groupe, anticipant la vente prochaine de Vin & Sprit et l'arrêt de la commercialisation de la vodka Absolut par Maxxium (ce qui aurait pour effet d'accroître les coûts de distribution pour les autres partenaires), ait aussi pris les devants.

Mais la raison avancée par les dirigeants est sans doute la plus plausible. Ces derniers, constatant que la croissance de leurs marques en Chine était inférieure à celle du marché, ont choisi de reprendre en main la distribution de leurs produits dans les pays à plus fort potentiel. Le groupe va profiter de la période de préavis de deux ans qu'il doit respecter vis-à-vis de ses distributeurs pour recruter une équipe commerciale dans l'empire du Milieu.

Durant cette période, il assumera un double coût en Chine et va conclure des partenariats avec d'autres distributeurs dans le monde, en dehors des Etats-Unis, où il dispose de son propre réseau. Ce qui, ajouté aux 240 millions d'euros d'indemnités qu'il doit verser pour quitter Maxxium, et qui seront entièrement provisionnés dans les comptes 2006/2007, devrait peser sur la rentabilité à court terme.

Malgré les bonnes performances réalisées au cours du premier semestre, l'exercice qui a clôturé le 31 mars devrait se solder par une perte nette que nous estimons à 110 millions d'euros.


NOTRE CONSEIL
Diageo : Acheter pour le rendement de 3,5 % (code : DGE ; Comp. C).

Pernod Ricard : Acheter avec un objectif de cours de 178 euros à moyen terme (code : RI ; Comp. A, SRD).

Belvédère : Rester à l'écart (code : BVD ; Comp. B).

Rémy Cointreau : La valorisation du producteur de cognac prend largement en compte la perspective d'une cession de la participation familiale (58 % du capital). Une prime de rareté n'est pas exclue, mais, au cours actuel, l'acquéreur potentiel doit être réellement convaincu du bien-fondé de l'opération (code : RCO ; Comp. A, SRD

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