je l'avais loupée celle-là : interview Verluca (Securibourse)
interview de Pierre Verluca, président du directoire
LE JOURNAL DES FINANCES- N°6211-15/12/2006- PAGE10
Les interviews
Pierre Verluca, président du directoire de Vallourec
« L'entrée dans le CAC 40 rejaillit sur l'ensemble des collaborateurs du groupe »
Propos recueillis par christophe Soubiran
Pierre Verluca, 62 ans, ancien élève de l'Ecole polytechnique, est entré chez Vallourec en 1981. Il est président du directoire du groupe depuis juin 2004.
LE JOURNAL DES FINANCES : Vallourec va entrer dans la composition du CAC 40 le 18 décembre. Pouvez-vous revenir sur l'ensemble des éléments ayant conduit à cette entrée au sein de l'indice phare de la cote parisienne >
Pierre Verluca : - Je voudrais tout d'abord dire que cet événement rejaillit sur l'ensemble des collaborateurs du groupe. Sa portée va même au-delà. Nos partenaires industriels comme nos clients y sont aussi très sensibles. Cette distinction nous amènera au final un surplus de notoriété. L'ascension remarquable de Vallourec, au niveau tant de ses résultats que de sa valeur boursière, s'explique par une conjoncture favorable liée à une demande importante dans l'ensemble du monde, notamment dans les deux domaines où le groupe est principalement positionné, les tubes pour l'énergie électrique et ceux pour l'industrie pétrolière. Si nous avons bénéficié à plein de cet environnement, c'est aussi lié au fait que nous avons su nous montrer très réactifs. Notre outil industriel a été poussé à pleine capacité et, sur le plan commercial, des hausses de prix ont été passées (avec succès) pour répercuter le renchérissement des coûts des matières premières qui a débuté en 2004. Mais tout cela a surtout été rendu possible parce que, auparavant, Vallourec avait fait de bons choix stratégiques successifs.
Quels sont-ils >
- Le premier choix fondamental a eu lieu il y a exactement trente ans, quand le groupe a pressenti que les tubes haut de gamme pour l'industrie pétrolière connaîtraient une croissance forte en raison des difficultés grandissantes à trouver et à remonter du pétrole. Vallourec a alors eu la bonne intuition de s'allier avec le tubiste japonais Sumitomo, lequel, d'une part, fabrique et commercialise sous licence nos produits brevetés, et avec qui, d'autre part, nous réalisons des travaux de recherche en commun. Cette coopération, remarquable et rare tous secteurs confondus, s'est renforcée année après année, et continuera de prospérer à l'avenir. Elle nous offre une double capacité pour comprendre les besoins des clients et en matière de recherche. Nous récoltons d'ailleurs aujourd'hui les fruits de ce positionnement, comme en atteste notre part de marché dans les tubes dits « premium joint », destinés aux forages pétroliers et gaziers, qui atteint 40 % entre nos deux groupes. Notre deuxième choix stratégique important a consisté à marier notre activité de tubes avec celle du groupe allemand Mannesmann. Cette opération a débouché sur la création en octobre 1997 d'une coentreprise détenue à 55 % par Vallourec et dénommée V&M Tubes. Là encore, l'association a parfaitement fonctionné. Elle nous a notamment permis d'occuper des places de leader, nettement détachés par rapport à notre premier concurrent, sur les tubes sans soudure, à forte valeur ajoutée, destinés aux centrales électriques. Ensuite, notre stratégie d'acquisitions, V&M do Brasil en 2000 et V&M Star en 2002, nous a permis de grandir en nous développant dans l'ensemble du monde. En 1997, 100 % de la production était réalisée en Europe. Désormais, ce sont 40 % de nos tubes qui sont produits en dehors du Vieux Continent. Le groupe apparaît ainsi beaucoup plus équilibré. Enfin, quatrième opération majeure, l'acquisition des 45 % détenus par Mannesmann (lui-même propriété de Salzgitter) dans V&M Tubes. Elle s'est révélée non seulement judicieuse, mais elle a été réalisée à un moment opportun.
La demande reste-t-elle toujours aussi bien orientée, notamment dans l'énergie >
- Nous n'observons aucun signe de ralentissement de la demande, que ce soit de la part des compagnies pétrolières ou des constructeurs de centrales électriques. De surcroît, la consommation est aujourd'hui de plus en plus orientée vers des produits à technicité forte. Le pétrole facile d'accès s'épuisant, les groupes exploitent désormais des gisements par grande profondeur d'eau, d'huiles lourdes, de schistes bitumineux, etc. Ils ont donc besoin de tubes capables de résister à des conditions de pression, de température, et de corrosion élevées. Dans le même ordre d'idées, les centrales électriques, notamment les centrales dites « ultrasupercritiques », nécessitent aujourd'hui l'utilisation de produits de plus en plus sophistiqués afin d'améliorer les rendements énergétiques, mais aussi de réduire les rejets de dioxyde de carbone. Il faut ainsi des produits capables de résister à des températures élevées, qui peuvent dépasser 600 °C. C'est sur ce créneau que Vallourec est positionné. Par ailleurs, la demande pour de nouvelles capacités continue à être très forte en Chine et se développe en Inde. Et il faut en Europe et aux Etats-Unis construire à la fois de nouvelles centrales mais aussi renouveler le parc existant.
De nombreuses augmentations de capacités sont programmées. Les Chinois montent notamment en puissance. Faut-il redouter un retour des surcapacités dans les années à venir >
- Entre la construction d'un laminoir et son démarrage, il se passe en moyenne trois ou quatre ans. Les projets identifiés de nouvelles usines, et il y en a plusieurs, notamment en Chine et en Russie, ne seront donc pas immédiatement opérationnels. De plus, ils correspondent à une augmentation des capacités disponibles d'environ 3 % par an. Un chiffre qui nous paraît raisonnable comparé à la croissance de la demande, qui s'est élevée au cours des dernières années à plus de 5 %. Le haut de cycle que nous rencontrons actuellement est d'une nature complètement différente par rapport à ce que nous avons vécu par le passé. Et cette situation pourrait durer au moins jusqu'à la fin de la décennie.
Quel impact aura la baisse actuelle du dollar sur vos résultats >
- Le repli du dollar entraîne mécaniquement un effet de ciseaux négatif sur nos marges, puisqu'une partie de nos ventes sont produites en Europe mais libellées en dollars. Néanmoins, notre politique consiste à couvrir nos commandes au fur et à mesure qu'elles sont enregistrées. Et nos carnets de commandes, pour les tubes à destination des industries pétrolière et électrique notamment, sont actuellement longs, compris entre huit et neuf mois. Pour les mois qui viennent, étant donné que le marché est bien orienté, notamment pour les produits haut de gamme, notre pouvoir de négociation reste intact. Dans ce contexte, il est possible que nous puissions compenser, pour une partie de nos ventes, la dépréciation du billet vert par une hausse des prix.
Un vent de consolidation souffle sur le secteur. Quelles sont vos ambitions en matière de croissance externe >
- Nous souhaitons saisir toutes les opportunités qui se présenteront, et qui nous permettraient de nous renforcer dans les produits à haute technologie ou de nous donner accès à des marchés où la croissance est élevée. D'autant que notre structure financière est solide. Toute acquisition doit néanmoins répondre à des critères financiers stricts et créer de la valeur. La règle en vigueur en Chine interdisant de prendre une participation majoritaire dans un aciériste ou un lamineur à chaud est contraignante. Nous préférons nous installer directement sur place en construisant des unités de production. Quant au reste du monde, nous restons vigilants.
Le capital totalement ouvert de Vallourec en fait une proie potentielle. Que vous inspire cette situation >
- Je n'ai pas d'inquiétude particulière à ce sujet. Vallourec a les moyens de se développer seul, et n'a pas besoin de s'adosser à un autre acteur pour croître. Outre la valorisation du cours de Bourse, nos actionnaires bénéficent d'une politique de distribution régulière, soit 33 % du résultat net en moyenne sur un cycle. Un acompte sur dividende est, de surcroît, versé depuis deux ans.
Vallourec doit-il être encore considéré comme un groupe métallurgique, ou perçu dorénavant comme une société de services pétroliers >
- Nous sommes aujourd'hui très fortement liés à l'énergie. Vallourec possède de ce fait des caractéristiques proches de celles d'un groupe parapétrolier. C'est donc un qualificatif que nous ne réfutons pas. L'image de Vallourec évolue progressivement. Certes, nous appartenons à une industrie traditionnelle. Mais nous avons su développer des produits à haute valeur ajoutée. Nous sommes donc dans la métallurgie de pointe.
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mareva