Analyse de marché (1)

par JF, jeudi 28 septembre 2006, 15:07 (il y a 6623 jours)

Source: Oddo et Cie.

Les marchés s’interrogent enfin sur l’évolution du cycle économique

Après une période caractérisée, de façon très étonnante, par l’espoir d’un coup de baguette magique de la FED ouvrant la voie à une détente monétaire, les marchés sont revenus à des préoccupations plus conformes à la réalité. Or, celle-ci n’est pas bonne pour l’inflation. Les progressions de salaires dans les entreprises américaines, au premier semestre 2006, ont été exceptionnellement élevées. Pire, les prix, qui ont quand même nettement progressé ainsi que la productivité, ne couvrent plus les coûts salariaux.
Pourtant, si les marges des sociétés ont logiquement baissé, elles ont bien résisté à la flambée des salaires.
Les résultats du second trimestre ont ainsi plutôt rassuré les investisseurs et ont soutenu les cours pendant l’été. Mais le retournement du cycle est bien engagé. Il serait très étonnant que les marchés y résistent à l’avenir, alors que, dans le passé, les retournements de cycle ont entraîné, en moyenne, des baisses d’indices de quelque 30%.
Notre schéma économique très réservé de fin 2005, basé sur les comptes des entreprises est désormais confirmé.
Sans la moindre équivoque, tout se passe comme prévu dans le déroulement du cycle aux États-Unis.
La pénurie de main-d’œuvre qualifiée qui avait déjà provoqué la récession de 2001, commence à peser sérieusement sur les coûts des entreprises depuis le premier semestre 2006. Comme avait averti M. Ben Bernanke en janvier 2006, les coûts salariaux ont rattrapé la productivité. Comme l’avait également rappelé le gouverneur de la Banque de Dallas en août dernier, le manque de "compétences" disponibles devait être gardé en ligne de mire pour apprécier l’inflation.
Les chiffres communiqués par le ministère du travail américain pour le premier semestre 2006 ont bien traduit dans les faits les appréhensions des autorités monétaires. Avec des progressions de salaires de 13.7 et 6.6% en rythme annuel sur les deux premiers trimestres de 2006, il était difficile à la productivité de continuer à couvrir les hausses de salaires. Les coûts
salariaux unitaires ont en effet progressé de respectivement 9 et 4.9% au premier et deuxième trimestre 2006. Compte tenu que les prix pratiqués par les entreprises ont, de leur côté, déjà répercuté une partie de la hausse des salaires, on ne voit pas comment le mouvement se calmerait naturellement de lui-même, sous forme "d’atterrissage en douceur".
Dès lors, il est très improbable que la FED entame prochainement une détente dans sa politique monétaire. Le problème central des coûts salariaux n’est pas réglé. Au mieux, les taux directeurs ne baisseront pas.
Dans l’hypothèse d’une récession l’impact sur les marchés irait au-delà de la baisse du mois de mai.
La récession américaine est d’autant moins acquise que la Banque Centrale et le Trésor chercheront autant que possible à l’éviter. Mais l’expérience du passé rappelle que la maîtrise des dérapages des coûts salariaux s’est toujours soldée par une récession, à plus ou moins brève échéance. C’est d’ailleurs ce que le marché obligataire envisage en présentant, depuis quelques semaines, une courbe des taux clairement inversée. Par ailleurs les économistes les plus sérieux commencent eux aussi à accorder une probabilité de récession non négligeable aux États-Unis, de l’ordre de 40%.

Analyse de marché (2)

par JF, jeudi 28 septembre 2006, 15:08 (il y a 6623 jours) @ JF

En Bourse, le prix d’une récession est toujours élevé car les marges des entreprises subissent un effet de ciseau au début du retournement de conjoncture. Les coûts salariaux continuent à progresser sur leur lancée, alors que le ralentissement économique ne permet plus aux entreprises de passer, aussi facilement qu’en haut de cycle, des hausses de prix. Les bénéfices en subissent le contrecoup.
Lors des dernières récessions, les pertes calculées entre le plus haut des indices précédant le début de la récession et le plus bas, coïncidant généralement avec le point bas de la récession ou le précédant de quelques mois, ont ainsi été
de :
=> récession de 1960 : -18%
=> récession de 1970 : -30%
=> récession de 1974 : -45%
=> récession de 1980 : -24%
=> récession de 1982 : -24%
=> récession de 1990 : -22%
=> récession de 2001 : -30%

La moyenne des baisses est ainsi de 28%. Mais ces baisses recouvrent des situations très différentes. L’écart est de 2.5 entre la baisse due à la récession de 1974 amplifiée par le premier choc pétrolier, et la récession classique de 1960. En 2001, les indices classiques ont perdu 30%, mais le Nasdaq a perdu près de 70%. En revanche, la rechute de 2002 n’a rien à voir avec le "double dip" de 1980-1982. Elle est due à des valorisations d’actifs délictueuses. À noter que dans la plupart des cas de récession, les taux directeurs et les taux longs ont baissé en même temps que les bénéfices et… les indices.
Dans ce cas, la détente monétaire qui accompagne la récession n’est pas une garantie de soutien de cours, comme les marchés l’ont envisagé en juillet et en août derniers.

Un espoir en 2006/2007 : les marges résistent bien aux hausses de salaires.

Face aux fortes hausses de salaires de 13.7 et 6.6%, les prix pratiqués par les entreprises ont progressé de 3 et 3.4%. Ils ne couvrent plus la progression des coûts salariaux, ni même celle des coûts salariaux unitaires qui bénéficient des progrès de productivité. Ceux-ci ont en effet progressé de respectivement de quelque 9 et 5%. L’indice du rapport prix/coûts salariaux
unitaires que nous suivons trimestre par trimestre, a ainsi baissé de 103.8 au dernier trimestre 2005 à 101.9 au deuxième trimestre 2006.
Pourtant, les marges n’ont perdu que quelques fractions, passant de 30.1 à 29.9% de la valeur ajoutée.
Une explication de ce phénomène avait déjà été donnée dans notre flash du 30 août 2005. Elle tient aux effets positifs des délocalisations. Les entreprises américaines comme les entreprises européennes ou japonaises réduisent leurs coûts d’approvisionnement en substituant les coûts extérieurs des produits importés aux coûts salariaux directs, nettement plus élevés. La valeur ajoutée augmente d’autant et bénéficie en premier lieu au résultat d’exploitation des sociétés, ce qui se traduit par la bonne résistance du rapport bénéfice d’exploitation/valeur ajoutée. Ainsi, les bénéfices publiés au titre des deux premiers trimestres de 2006 n’ont pas beaucoup souffert de la hausse extravagante des coûts salariaux. Mais la tendance à l’effritement des marges va sans doute se poursuivre au cours des prochains trimestres et son impact sur les résultats va se faire sentir surtout si l’économie poursuit, voire aggrave, son ralentissement et que l’effet de ciseau sur les marges augmente.
En conclusion, on ne voit pas comment le mouvement de retournement du cycle économique qui semble aujourd’hui en route aux États-Unis, pourrait se redresser de lui-même. On ne voit pas non plus comment la pression de l’inflation salariale déjà observée en 2006 pourrait se réduire grâce à un simple ralentissement "en douceur" de l’économie. Récession ou pas, la réduction de plusieurs points de croissance du PIB entre le second semestre 2006 et l’exercice 2007 sera nécessaire pour réduire la pression des coûts salariaux. En revanche, la remarquable gestion des marges aux Etats-Unis, comme en Europe, nous conduit à envisager pour les indices des replis limités.
Il est probable que le consensus pour l’exercice 2007, qui reste imperturbablement rivé à son niveau de début d’année avec des croissances à 2 chiffres, finira par se réajuster à la baisse. Au cours des 7 dernières récessions, les bénéfices des valeurs du Dow Jones estimés par Value Line ont baissé en moyenne de 20%, mais avec une dispersion importante, de -7% en 1960 à -45% en 1982. En mai dernier, sous la conduite des Etats-Unis, les principaux marchés se sont, en moyenne, comportés comme si la croissance des bénéfices était ramenée autour de 0 en 2007, à P/E constants. Les marchés devraient confirmer cette alerte et aller probablement au-delà, mais en restant proche du schéma classique de 1960 et de son impact limité sur les bénéfices. Rappel de nos objectifs actuels :
=> S&P : 1200
=> Nasdaq : 1900
=> Eurostoxx : 3300
=> CAC : 4400
=> -Nikkeï : 13500

Merci JF, très intéressant,

par Mesto, jeudi 28 septembre 2006, 16:01 (il y a 6623 jours) @ JF

:-) mais c'est de qui >> :confused: :confused:

Merci JF, très intéressant,

par JF, jeudi 28 septembre 2006, 17:01 (il y a 6623 jours) @ Mesto

» :-) mais c'est de qui >> :confused: :confused:

C'est écrit en première ligne :lol2:

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