Belvédère - Une Obsar à consommer sans (trop de) modération
Une Obsar à consommer sans (trop de) modération
Arnaud de Rougé, Directeur Général de MARIGNAN GESTION
La vie financière du 15 au 21 septembre 2006
Récemment, les anticipations en matière d'évolution des taux longs ont radicalement changé. Il a suffi d'un mauvais chiffre publié aux Etats-Unis (l'évolution du salaire horaire) pour que la crainte d'une reprise du cycle de hausse, des taux courts américains réapparaisse. Quelques gouttes d'huile jetées sur le feu par M. Jean-Claude Trichet, président de la Banque centrale européenne, ont fait grimper les taux courts et fragilisé le récent rebond des taux longs. Il faut donc, pour celui qui veut investir sur le « long », se mettre à l'abri des fluctuations de la courbe des taux en choisissant des obligations à large spread. En effet, cet écart de rendement entre l'obligation sélectionnée et l'emprunt d'Etat de même durée va servir d'amortisseur et protégera le cours du titre. Passons à la pratique : notre choix du jour s'appelle Belvédère Obsar * 7,692 % 2014
Il s'agit d'une obligation à haut rendement, donc qui présente un risque considéré comme supérieur à la moyenne par les agences de notation. La société Belvédère est spécialisée dans la vente de vins et spiritueux. Son chiffre d'affaires, supérieur à 500 millions d'euros en 2005, provient pour plus de 85 % de la vente de vodka en Pologne, le solde de celle de vin en Bulgarie. Cette société est cotée à Paris et a fait l'objet d'analyses régulières (voir La VF du 4 août). Deux événements majeurs ont marqué la vie de Belvédère en 2006 : LOPA réussie sur Marie Brizard & Roger, puis, il y a un mois, celle qui a été lancée sur Belvédère par la société Angostura Holdings Limited, filiale spécialisée dans le négoce de spiritueux du groupe CL Financial. A l'occasion de ces opérations, Belvédère a émis deux lignes d'obligations : l'une de 160 millions d'euros sous forme d'Obsar venant à échéance en 2014, qui retient aujourd'hui mon attention ; l'autre de 325 millions à taux flottant et de maturité 2013 qui n'est pas cotée à Paris.
POURQUOI ACHETER L`OBSAR NUE (c'est-à-dire après détachement du bon) >
Primo, parce que la capacité de Belvédère à faire face à ses engagements reste satisfaisante, malgré l'alourdissement du bilan après l'OPA sur Marie Brizard. En outre, les moyens de CL Financial lui permettraient de faire face à un besoin de financement complémentaire de sa filiale si le cas se présentait.
Secundo, en raison des caractéristiques propres de l'obligation (voir encadré ci-dessous), notamment son taux de rendement.
Tertio, lors de l'émission, 56 455 obligations, soit 6o % de l'encours, ont été acquises par CL Financial, qui a apporté 45 772 de ses obligations et 457 720 bons de souscription pour paiement de sa souscription à l'augmentation de capital de Belvédère. L'encours restant après cette opération se limite donc à 84 476 000 euros dont 17 627 000 euros sont entre les mains de l'actionnaire majoritaire de l'émetteur. Enfin, l'autre émission obligataire de 375 millions, senior, donc un rang au-dessus de l'Obsar, se traite avec une marge de 300 points de base, contre près de 500 points pour l'Obsar. Cet écart est anormalement élevé et ne devrait pas dépasser 100 points de base pour un cran de subordination et une année de maturité en plus.
Aujourd'hui , le prix de l'Obsar sur le marché est proche de 90,5 %, ce qui fait ressortir un rendement de plus de 9,45 % Si le resserrement de 100 points de base avait lieu, le prix passerait à 97,3 % ! Un dernier point, mais qui n'est qu'une hypothèse : après avoir payé l'acquisition de Marie Brizard et remboursé la totalité des dettes de ses filiales, il restait dans les caisses de Belvédère environ 100 millions d'euros. Pourquoi ne pas utiliser ces fonds pour rembourser par anticipation les Obsar en avril 2007 > Elles représentent en effet un surcoût de près de 2 % sur le plan des frais financiers. En cas de remboursement anticipé à 100% le 11 avril 2007, le taux de rendement de l'opération atteindrait 28 % en sept mois... Les investisseurs en actions pourraient être jaloux.
* Obligation à bon de souscription d'actions remboursables
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