article du Monde sur les matières premières, piqué en face
Mini-krach sur les matières premières - LE MONDE - 23 Mai 06
Les marchés de matières premières ont repris quelques couleurs, lundi 22 mai, après le mini-krach qui avait fait plonger, les jours précédents, leurs cours, en particulier ceux des métaux précieux et des métaux de base. Mais la nervosité restait grande.
En une semaine, l'once d'argent a abandonné 20 %, les métaux dans leur ensemble 15,8 % et le secteur de l'énergie 12,9 %. L'or, qui avait atteint un record historique à 721,50 dollars l'once, le 11 mai, est redescendu jusqu'à 645,70 dollars une semaine plus tard. Le pétrole a aussi cédé du terrain, le baril de brut reculant de 5 dollars en cinq jours. Le café a dévissé, revenant, sur le marché de New York, à ses niveaux d'il y a cinq mois.
Depuis plusieurs semaines, de nombreuses analyses soulignaient les risques de correction après la poussée frénétique des cours des matières premières. Il n'est pas sain, observaient-elles, que, par exemple, le cuivre bondisse de 4 400 dollars la tonne, à plus de 8 000 en cinq mois, entraînant dans son sillage le zinc, l'aluminium et quasiment tous les métaux non ferreux.
Les craintes de hausse des taux ont déclenché la purge. Les perspectives de resserrement monétaire aux Etats-Unis, au Japon et en Europe inquiètent les investisseurs, qui se disent que ce tour de vis généralisé rendra plus coûteux l'accès au crédit - donc à la spéculation - en même temps qu'il risque de pénaliser la croissance mondiale et de ralentir la demande de matières premières.
La chute se poursuivra-t-elle et surtout jusqu'où > Deux types de réponses se dessinent.
Le premier camp est composé de ceux qui jugent que la correction va se poursuivre et qu'elle est la bienvenue. En tête, les industriels ravis de la "claque" prise par certains de ces spéculateurs dont ils estiment qu'ils perturbent leurs activités.
"Nous assistons à une hausse et à une volatilité des cours qui ne sont pas bonnes pour l'économie et qui ne s'expliquent que par la spéculation, analyse Frédéric Vincent, directeur général de Nexans, câblier français et premier acheteur mondial de métal rouge, qui s'agace de devoir immobiliser plus de trésorerie pour un métal en ébullition. Nous espérons que le futur président du London Metal Exchange durcira les conditions d'accès au marché pour rendre celui-ci moins spéculatif." La poursuite de la baisse "serait dans l'ordre des choses", affirme-t-il.
LES PRUDENTS ET LES AUDACIEUX
Pour Philippe Chalmin, professeur à Paris-Dauphine, "c'est peut-être la correction attendue, car pour le cuivre en particulier, nous nous trouvions en situation de bulle spéculative entretenue par des fonds d'investissement qui n'étaient pas de grands spécialistes". Précisant que tous les métaux n'étaient pas dans cette situation "déraisonnable", notamment l'aluminium, il affirme qu'il existe "une forte probabilité pour que le cuivre revienne à 4 000 dollars la tonne".
Jean-Paul Betbèze, conseiller du président du Crédit agricole SA, estime que la correction a sanctionné un emballement des marchés au cours d'une période "hallucinante". Mais il refuse de comparer le phénomène constaté dans les matières premières avec la "bulle Internet" de la fin des années 1990 : "Avec Internet, il y avait un peu de réel et beaucoup de folle spéculation, constate-t-il ; dans le cas de la hausse des produits de base, il y a beaucoup de réel et un peu de spéculation !"
Du côté des investisseurs, le discours est autrement optimiste. Goldman Sachs maintient ses prévisions "positives" sur les rendements des fonds placés en matières premières, "en dépit de la récente bousculade", et ce grâce à "la vigueur de la croissance dans les pays émergents et à son accélération attendue au Japon et en Europe". Goldman Sachs annonce même l'or à 800 dollars l'once à la fin de 2007, en raison de la faiblesse prévisible du dollar.
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mareva