La grosse « Caisse » du gouvernement
JDF: Michel Kempinski, directeur général de la rédaction
Le grand sujet à la mode, en tout cas « à la capitale », c'est celui des OPA. Pour les actionnaires français - et sauf fort attachement lié à la qualité de l'entreprise, de ses résultats dans la durée et de ses dirigeants -, ce devrait être un motif de grande satisfaction dans la mesure où cela influence favorablement les cours des sociétés cotées, et donc la Bourse dans sa globalité. En fait, il n'en est rien. Pis, il semblerait même que l'on régresse. Craignant d'être pris à parti par une majorité d'électeurs (et notamment ceux ayant voté « non » au référendum européen l'an dernier), le gouvernement préfère jouer contre l'Europe plutôt que de la favoriser au travers, notamment, de la constitution de grands groupes européens. Il n'en finit pas de durcir les conditions dans lesquelles une entreprise étrangère (européenne ou non) peut lancer une offre publique d'achat : un jour il invente les bons de souscription à émettre par l'entreprise cible en pleine période d'OPA, un autre il veut favoriser le développement de l'attribution d'actions gratuites aux salariés, un autre jour encore il souhaite, comme au bon vieux temps, mobiliser la Caisse des Dépôts, son fidèle bras armé. A bon entendeur... Le signal ainsi envoyé sur le marché aurait de quoi refroidir les ardeurs, à moins qu'il ne les réveille.
Dominique de Villepin n'est pas crédible lorsqu'il se défend de tout protectionnisme, car le recours à la Caisse des Dépôts, symbole de l'économie mixte (et de ses dérives), n'est rien d'autre que de l'interventionnisme au premier degré dans la vie des entreprises privées. On croyait ce temps-là révolu ; il resurgit au galop, confortant dans l'opinion l'idée que les grandes institutions sont créées pour (sur)protéger les individus. Outre que la Caisse des Dépôts est déjà lourdement investie en actions de sociétés françaises, elle n'a pas les moyens financiers de soutenir toutes les entreprises du CAC 40 ; ce serait d'ailleurs une grave erreur pour la « Caisse » que de surpondérer ses actifs en actions alors qu'elle doit mener de multiples opérations d'intérêt général.
En stratégie, la meilleure défense n'est pas... la défense mais l'attaque. Et, sur ce point, la surprotection que le gouvernement introduit auprès des entreprises n'est pas la réponse appropriée. Je l'ai souvent souligné : c'est en favorisant les initiatives individuelles, et en développant l'actionnariat individuel (en direct ou au travers des fonds d'investissement) que nos gouvernants actuels trouveront les vraies bonnes répliques aux attaques dont nos entreprises font et feront l'objet.
En canalisant davantage l'épargne privée vers la Bourse, cela permettra de mieux valoriser les entreprises, d'accroître la part des actionnaires nationaux. Au-delà, c'est bien l'affaire des entreprises et de leurs dirigeants, dont le souci majeur est d'être le plus profitable possible dans la durée grâce à la croissance, qui elle-même génère des emplois directs et indirects.
Fil complet:
- Le néo-protectionnisme francais - JF, 04/03/2006, 08:19
- La grosse « Caisse » du gouvernement - JF, 04/03/2006, 09:14