Chirac pour une réforme du calcul des cotisations patronales
Si cette réforme aboutit, elle serait favorable aux entreprises employant beaucoup de main-d'oeuvre (distribution, petite industrie,...)
Jacques Chirac a proposé mercredi d'élargir l'assiette des cotisations patronales à la valeur ajoutée pour financer la protection sociale.
"Il faut maintenant aller vers une assiette de cotisations patronales qui ne prenne pas seulement en compte les salaires mais l'ensemble de la valeur ajoutée", a déclaré le président de la République lors de ses voeux à la presse.
Force ouvrière et la CFDT ont d'ores et déjà porté un jugement positif sur cette piste. En revanche, la présidente du Medef, Laurence Parisot, l'a jugée "simpliste".
Lors de ses voeux de nouvel an aux Français, samedi, Jacques Chirac avait annoncé son intention de mettre en chantier une réforme du financement de la protection sociale.
"Parce qu'il pèse trop exclusivement sur les salaires, le système de financement de notre protection sociale joue contre l'emploi", a-t-il réaffirmé mercredi.
"Plus on embauche, plus on paye de charges. A l'inverse, plus on licencie, plus on délocalise, plus on importe de biens ou de services et moins on en paye, et plus on entraîne de dépenses sociales pour la nation", a-t-il ajouté.
Trois pistes sont couramment évoquées pour enrayer la dégradation des comptes sociaux : augmenter la TVA (c'est la "TVA sociale"), augmenter la Contribution sociale généralisée (CSG) ou moduler les cotisations patronales en fonction de la valeur ajoutée, c'est-à-dire la richesse créée par l'entreprise.
Jacques Chirac a choisi cette troisième voie préconisée dans un rapport de 1997, non sans saluer au passage comme un "progrès indiscutable" la CSG créée par le gouvernement socialiste de Michel Rocard (1988-91).
La prise en compte de la valeur ajoutée pour le calcul des cotisations patronales est une "réforme essentielle pour la défense et le développement de l'emploi dans notre pays", a-t-il expliqué. "Il faut concilier haut niveau de protection sociale et économie ouverte sur la mondialisation."
Il a promis que cette réforme serait élaborée "en étroite concertation avec les partenaires sociaux" et qu'elle serait "progressive, pour tenir compte de la situation de l'ensemble des entreprises, qui sont diverses."
UN DEBAT DEJA OUVERT
Le débat s'est ouvert avant même que Jacques Chirac confirme sa préférence et s'adresse directement aux partenaires sociaux jeudi, lors de ses voeux aux "forces vives de la nation".
Le secrétaire général de Force ouvrière s'est déclaré mardi prêt à discuter de la piste de la valeur ajoutée.
"Il y a des entreprises qui font beaucoup de richesse (...) avec des effectifs en réduction", a expliqué Jean-Claude Mailly sur France Info. "Ces entreprises paient moins de cotisations sociales. Ça nous apparaîtrait normal qu'il y ait un correctif. Ce correctif c'est la valeur ajoutée."
Il a en revanche rejeté l'idée d'une "TVA sociale" ou d'une hausse de la CSG.
Le secrétaire général de la CFDT François Chérèque a aussi exprimé sa préférence pour la solution de la valeur ajoutée.
"C'est une piste que la CFDT veut approfondir et qu'il nous semble intéressant d'approfondir", a-t-il déclaré mercredi sur RTL. "On nous a toujours dit (...) que c'était difficile techniquement mais il n'est pas interdit d'essayer de réussir."
Comme Jean-Claude Mailly, il a estimé qu'une hausse de la TVA serait "injuste", en particulier vis-à-vis des bas salaires.
Pour la présidente du Medef, le taux de TVA en France est effectivement "déjà assez élevé" - "D'autres scénarios existent, comme la hausse de la CSG", estime Laurence Parisot dans une interview publiée par le quotidien économique Les Echos.
Elle écarte en revanche la piste de la valeur ajoutée : "Quand le président de la République parle de réformer le financement de la protection sociale, je suis d'accord. Quand il veut changer l'assiette en faisant reposer les cotisations sur autre chose que les salaires, je dis que c'est simpliste."
"Asseoir les cotisations sur la valeur ajoutée, donc sur l'investissement, ne va pas freiner les délocalisations car la mobilité des investissements est potentiellement encore plus grande que celle des emplois", ajoute Laurence Parisot, qui demande au gouvernement de procéder à des études d'impact.
"Il me semblerait très dangereux, pour nous tous, pour les entreprises, pour les salariés et pour le pays, d'imposer quelque chose sans qu'il y ait une validation, une garantie que ce serait quelque chose de gagnant-gagnant", a dit sur LCI la présidente de l'organisation patronale.