JDF / renforcer Maurel
LE JOURNAL DES FINANCES - N° 6152 - 29/10/2005- PAGE 19
Valeurs francaises
ENERGIE-PETROLE-SERVICES PETROLIERS
MAUREL & PROM
La société a trompé le marché, mais elle peut encore le séduire.
Christophe Soubiran
Dur retour à la réalité pour les actionnaires de la jeune compagnie pétrolière, dont une page de l'histoire se tourne. La nouvelle direction, arrivée au mois d'octobre, a en effet voulu marquer son territoire d'emblée et procéder à une opération « vérité » des plus douloureuses. Les réserves d'hydrocarbures prouvées et probables ont ainsi été révisées à la baisse. Elles ne s'élèveraient plus qu'à 310,1 millions de barils, contre 453,1 millions annoncés au cours de l'assemblée générale du 29 juin dernier.
Cette différence ne provient pas d'erreurs de calcul, et la géologie n'est d'ailleurs pas davantage en cause, mais les stocks intégraient auparavant la part revenant à des tiers et aux Etats. Une donnée que les dirigeants de Maurel & Prom connaissaient parfaitement et qu'ils se sont bien gardés de diffuser, abusant par là même de la confiance des nombreux actionnaires. A son échelle, Maurel & Prom reproduit en quelque sorte le scandale qui avait jeté l'opprobre sur Royal Dutch-Shell en 2004.
Cette « tromperie » a d'ailleurs été immédiatement sanctionnée par les investisseurs, le titre cédant 24,51 % à l'ouverture le jeudi 27 octobre, avant de se reprendre en cours de journée et de clôturer sur un repli de 16,48 %, à 15,71 euros. Conscient des dégâts qu'occasionnerait cette annonce, et pour donner un gage de sa nouvelle « bonne foi », Maurel & Prom entend nommer un deuxième certificateur, en plus du Beicip, de nationalité anglo-saxone, pour garantir le niveau de ses réserves. Quitte à prendre le risque qu'il désavoue les estimations du certificateur français. Son verdict est attendu en avril 2006.
Comble de malchance pour les actionnaires, la révision à la baisse du montant des réserves s'est accompagnée d'un avertissement sur les résultats de l'année en cours. La direction de la jeune pousse pétrolière ne table plus désormais sur un résultat net de 205 millions d'euros, mais sur « environ 100 millions ».
En cause, de nombreux éléments exceptionnels. Les nouvelles normes comptables (IFRS) auront ainsi un impact négatif de l'ordre de 44,5 millions d'euros, lié à la comptabilisation des stock-options et au programme de couverture de la production mis en oeuvre (15.000 barils par jour au prix unitaire de 50 dollars, alors que le cours du brent s'échange autour de 60 dollars). L'abandon du champ gazier du Vietnam, trop compliqué à exploiter pour le groupe, entraîne de son côté une charge de 12,2 millions d'euros.
Les comptes du premier semestre ont d'ores et déjà intégré une partie de ces éléments. Le résultat net n'a ainsi atteint que 14,4 millions d'euros au cours des six premiers mois de l'année, soit une hausse de 7 %, alors que le chiffre d'affaires a progressé de 210 %, pour s'établir à 103,2 millions.
La question qui se pose désormais est de savoir s'il faut jeter le bébé avec l'eau du bain ou pas. Si la confiance des marchés pourrait s'avérer difficile à regagner, les qualités fondamentales de la société demeurent. L'activité se déroule sans anicroche.
La production de pétrole au Congo atteint aujourd'hui près de 30.000 barils par jour (en incluant les royalties), auxquels il faut désormais ajouter les débits (30.000 barils par jour) des actifs vénézuéliens et colombiens (regroupés sous la dénomination Hocol) récemment acquis.
Dans ce contexte, le résultat d'exploitation, hors éléments non récurrents, a atteint 40,4 millions au premier semestre, faisant ressortir une marge de plus de 39 %. Et les éléments négatifs évoqués ci-dessus n'auront aucune incidence sur la capacité d'autofinancement du groupe, qui pourrait atteindre sur l'année 195 millions d'euros.
Enfin, le groupe mène un programme intensif d'exploration dans plusieurs pays, au Congo, en Tanzanie, au Gabon, en Italie, etc., qui pourrait se révéler, pour au moins un, voire plusieurs prospects, fructueux. A ce propos, s'il fallait donner une preuve du changement de ton de la communication du groupe, moins orientée sur le marketing de la valeur, la non-diffusion des résultats des campagnes sismiques menées au Congo l'apporte.
Pour corroborer les études géophysiques entreprises, trois puits d'exploration vont être prochainement forés sur la zone étudiée, et ce n'est qu'à leur issue que des chiffres sur une possible évaluation à la hausse des réserves seront diffusés.
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mareva