La duperie immobilière...(1)
Dans toute duperie, il y a des coupables et des victimes.
Les coupables sont connus, les victimes le sont moins. Parmi les coupables, il y a, en premier lieu, les banques centrales. Celles-ci sont quasi-universellement chargées de la stabilité des prix. Lorsque la hausse des prix à la consommation s'approche des 3 %, la plupart des banques centrales occidentales resserrent les conditions monétaires ou menacent de le faire. Lorsque les prix immobiliers approchent les 10, 15, voire 20 %, comme ce fut le cas dans les années récentes, les banques centrales ne disent rien. Cherchez l'erreur ! L'astuce consiste à ne pas intégrer les prix de logements dans les indices de prix à la consommation alors quil sagit, pour lessentiel, dun prix représentatif dun service de logement. Les banques centrales nous répètent inlassablement, depuis 30 ans, quune inflation faible et stable est une condition nécessaire à une croissance saine et durable. Cest dailleurs la raison pour laquelle on leur a octroyé lindépendance, à la suite notamment du succès des modèles « dincohérence temporelle ».
On pensait que le principe de la stabilité des prix devait lemporter sur les velléités gouvernementales de relancer artificiellement ou provisoirement la croissance en faisant de linflation. Or, le logement est probablement un domaine où une inflation tendanciellement faible et stable est optimale pour les ménages dans le long terme.
Pour parer à cet argument, les banques centrales nous disent quelles ne sont pas aptes à se substituer au marché pour détecter déventuels dérapages. Largument est fallacieux, car la même remarque pourrait sétablir à lencontre de son interventionnisme vis-à-vis de linflation traditionnelle, celle des biens et des services.
Pourquoi doit-on lutter contre linflation au juste > Les banques centrales ne le disent pas souvent. Surtout, elles ne nous disent pas pourquoi une inflation traditionnelle à 3 % est intolérable alors quune inflation immobilière à 10 ou 20 % lest. La faillite des banques centrales est donc ici complète.
Il faut dire, à la décharge des banques centrales, que lÉtat a tout fait dans les années récentes pour favoriser la bulle immobilière. Par là même, il a pu compenser les effets dépressifs du « carnage boursier » de 2000-2002 sur les patrimoines. Jouant sur leffet richesse, le dynamisme des dépenses déquipement du foyer, la baisse de lépargne et la hausse de la dette, la consommation des ménages sest maintenue, même sans emploi ni hausse salariale.
LÉtat en a même rajouté. Dans un pays comme la France, où pourtant le traitement fiscal de Limmobilier était déjà favorable, il a décidé de multiplier les programmes de défiscalisation en faveur de linvestissement locatif, étendu les prêts à taux-zéro, réduit les droits de donation/succession,. LÉtat, qui a encaissé au passage de confortables recettes fiscales, le fait aussi pour des raisons politiques et sociologiques. Dans la plupart des pays de lOCDE, la majorité des personnes est propriétaire de sa résidence principale (sauf en Allemagne).
Linflation est donc, ici, socialement agréable puisquelle bénéficie à une majorité. Elle correspond bien aux sociétés vieillissantes, où la concentration des patrimoines est proportionnelle à lâge et à laffaiblissement des solidarités collectives, que la dégradation des
finances publiques ne peut quentretenir.
La communauté bancaire nest pas en reste : outre la baisse massive des taux, elle a allongé la maturité des prêts, baissé les exigences dapport personnel et développé les contrats à taux variable, participant ainsi à la pro-cyclicité du secteur.
Les professionnels de limmobilier constituent, quant à eux, des « coupables » logiques. Une hausse à 2 chiffres des prix immobiliers pendant plusieurs années dans un pays incapable de créer le moindre emploi et où les salaires réels stagnent ne les étonne pas. La démographie, les familles recomposées, linsuffisance de loffre, tout ou presque aura été avancé pour justifier la hausse vertigineuse de leur chiffre daffaires.
Une grande partie de la presse aura aussi, une fois de plus, participé à un mimétisme collectif, en relayant les anticipations haussières et ressassant les vieux mythes tels que lactif-refuge, la protection contre la dégradation des retraites ou bien encore la supériorité de la propriété sur la location, « fables » aussi solidement ancrées dans les esprits quelles sont fausses.
Dans ces conditions, il nest pas étonnant de voir linflation immobilière perdurer. Cest même le contraire qui eût été étonnant. Rarement un secteur dactivité aura été aussi « perfusé » de toute part.
Les victimes signorent pour lessentiel. Cest dailleurs le propre dune bulle que de faire croire aux perdants quils sont des gagnants potentiels ou virtuels.