La duperie immobilière...(1)

par John_Fills, dimanche 25 septembre 2005, 15:06 (il y a 6982 jours)

Dans toute duperie, il y a des coupables et des victimes.

Les coupables sont connus, les victimes le sont moins. Parmi les coupables, il y a, en premier lieu, les banques centrales. Celles-ci sont quasi-universellement chargées de la stabilité des prix. Lorsque la hausse des prix à la consommation s'approche des 3 %, la plupart des banques centrales occidentales resserrent les conditions monétaires ou menacent de le faire. Lorsque les prix immobiliers approchent les 10, 15, voire 20 %, comme ce fut le cas dans les années récentes, les banques centrales ne disent rien. Cherchez l'erreur ! L'astuce consiste à ne pas intégrer les prix de logements dans les indices de prix à la consommation alors qu’il s’agit, pour l’essentiel, d’un prix représentatif d‘un service de logement. Les banques centrales nous répètent inlassablement, depuis 30 ans, qu’une inflation faible et stable est une condition nécessaire à une croissance saine et durable. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle on leur a octroyé l’indépendance, à la suite notamment du succès des modèles « d’incohérence temporelle ».
On pensait que le principe de la stabilité des prix devait l’emporter sur les velléités gouvernementales de relancer artificiellement ou provisoirement la croissance en faisant de l’inflation. Or, le logement est probablement un domaine où une inflation tendanciellement faible et stable est optimale pour les ménages dans le long terme.
Pour parer à cet argument, les banques centrales nous disent qu’elles ne sont pas aptes à se substituer au marché pour détecter d’éventuels dérapages. L’argument est fallacieux, car la même remarque pourrait s’établir à l’encontre de son interventionnisme vis-à-vis de l’inflation traditionnelle, celle des biens et des services.
Pourquoi doit-on lutter contre l’inflation au juste > Les banques centrales ne le disent pas souvent. Surtout, elles ne nous disent pas pourquoi une inflation traditionnelle à 3 % est intolérable alors qu’une inflation immobilière à 10 ou 20 % l’est. La faillite des banques centrales est donc ici complète.

Il faut dire, à la décharge des banques centrales, que l’État a tout fait dans les années récentes pour favoriser la bulle immobilière. Par là même, il a pu compenser les effets dépressifs du « carnage boursier » de 2000-2002 sur les patrimoines. Jouant sur l’effet richesse, le dynamisme des dépenses d’équipement du foyer, la baisse de l’épargne et la hausse de la dette, la consommation des ménages s’est maintenue, même sans emploi ni hausse salariale.
L’État en a même rajouté. Dans un pays comme la France, où pourtant le traitement fiscal de L’immobilier était déjà favorable, il a décidé de multiplier les programmes de défiscalisation en faveur de l’investissement locatif, étendu les prêts à taux-zéro, réduit les droits de donation/succession,. L’État, qui a encaissé au passage de confortables recettes fiscales, le fait aussi pour des raisons politiques et sociologiques. Dans la plupart des pays de l’OCDE, la majorité des personnes est propriétaire de sa résidence principale (sauf en Allemagne).
L’inflation est donc, ici, socialement agréable puisqu’elle bénéficie à une majorité. Elle correspond bien aux sociétés vieillissantes, où la concentration des patrimoines est proportionnelle à l’âge et à l’affaiblissement des solidarités collectives, que la dégradation des
finances publiques ne peut qu’entretenir.
La communauté bancaire n’est pas en reste : outre la baisse massive des taux, elle a allongé la maturité des prêts, baissé les exigences d’apport personnel et développé les contrats à taux variable, participant ainsi à la pro-cyclicité du secteur.
Les professionnels de l’immobilier constituent, quant à eux, des « coupables » logiques. Une hausse à 2 chiffres des prix immobiliers pendant plusieurs années dans un pays incapable de créer le moindre emploi et où les salaires réels stagnent ne les étonne pas. La démographie, les familles recomposées, l’insuffisance de l’offre, tout ou presque aura été avancé pour justifier la hausse vertigineuse de leur chiffre d’affaires.
Une grande partie de la presse aura aussi, une fois de plus, participé à un mimétisme collectif, en relayant les anticipations haussières et ressassant les vieux mythes tels que l’actif-refuge, la protection contre la dégradation des retraites ou bien encore la supériorité de la propriété sur la location, « fables » aussi solidement ancrées dans les esprits qu’elles sont fausses.
Dans ces conditions, il n’est pas étonnant de voir l’inflation immobilière perdurer. C’est même le contraire qui eût été étonnant. Rarement un secteur d’activité aura été aussi « perfusé » de toute part.
Les victimes s’ignorent pour l’essentiel. C’est d’ailleurs le propre d’une bulle que de faire croire aux perdants qu’ils sont des gagnants potentiels ou virtuels.


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